
Parvis, 1937. Encre de Chine (toucher au doigt) sur papier. 44×57,8 cm. 300 000 / 400 000 €
Tout semble sourire à Louis Soutter à l’orée de sa vie d’adulte : issu d’une bonne famille bourgeoise suisse, cousin de l’architecte Le Corbusier, il se consacre tout d’abord à la peinture, fréquentant notamment les ateliers parisiens de Jean-Paul Laurens ou de Jean-Joseph Benjamin-Constant. Il est aussi violoniste virtuose formé par Eugène Ysaÿe, compositeur belge admiré par Claude Debussy, Gabriel Fauré ou Camille Saint-Saëns. A 26 ans, Louis Soutter épouse une riche héritière américaine, Madge Fursman, violoniste elle aussi. Le couple s’installe aux Etats-Unis où, nommé directeur du département des Beaux-Arts au Colorado College, une carrière américaine s’offre à lui.
Une profonde dépression en décide autrement et le ramène en Suisse où il reprend une carrière de musicien. Ses fantaisies ou ses frasques sont célèbres : musicien d’orchestre, il pouvait facilement s’absenter pendant un concert. Malgré tout, son dandysme tout comme sa cécité naissante inquiètent ses proches et le conduisent à être interné à l’asile pour personnes âgées de Ballaigues en Suisse. La peinture et le dessin le sauvent de cette rupture de ban sociale vécue comme une injustice.
Ses œuvres, admirées par Le Corbusier ou Jean Giono, connaissent une véritable révolution lorsque touchée par une arthrose des doigts sévère, il doit abandonner le crayon et la plume. Pour autant pour son biographe Michel Thévoz “ce qui aurait pu être vécu comme une infirmité devient chez lui prétexte à un renouvellement total du langage plastique à l’âge de 66 ans. Soutter pose dès lors directement l’encre avec le doigt (“toucher au doigt”, ndlr), dont il se sert comme d’un pinceau vivant, en déplaçant la mobilité vers le coude. C’est dire que l’engagement corporel y est intensifié, coïncidant avec une ascèse vers le signe pur, jouant dramatiquement de l’opposition du noir et du blanc.” (Louis Soutter, SIKART Dictionnaire sur l'art en Suisse, 2016).
L'œuvre de Soutter, défendue aujourd’hui par la galerie Karsten Greve, est considérée comme l’une des plus avant-gardistes du XXe siècle.