Sous le patronat de Léon Blum, l’Exposition Internationale des arts et techniques dans la vie moderne ouvre en mai 1937 dans un climat politique et social particulièrement tendu. Le Front populaire décide d’apporter son soutien aux artistes fragilisés par la crise en lançant un important programme de décorations murales. Celles du Pavillon des Chemins de fer et de l’air sont confiées au groupe « Art et Lumière », collectif d’artistes de différents corps de métier dirigé par Félix Aublet, Robert et Sonia Delaunay.
Pour le Pavillon des Chemins de fer, Sonia Delaunay créa deux panneaux muraux, Portugal et Voyages Lointains, consacrés aux « Visions régionales » et destinés à occuper l’espace mural surplombant l’escalier central du hall. La fresque Portugal, qui obtint une médaille d’or du jury international de l’Exposition et fut acquise par l’état français, est depuis conservée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Tous les panneaux réalisés par SoniaDelaunay ne furent cependant pas conservés et aujourd’hui, un ensemble de photographies, d’esquisses et de gouaches témoignent du travail accompli.
*Sonia Delaunay (1885-1979)
La cible
Projet pour le palais des chemins de fer de l'exposition internationale de Paris 1937, 1936-1937,
Gouache en tondo sur isorel
L’œuvre intitulée Cible (1936-1937), qui se rattache à cet important corpus d’œuvres, est dans sa conception comme dans sa réalisation, très représentative de la démarche deSonia Delaunay. Véritable shaped canvas avant l’heure, Cible adopte la découpe circulaire du tondo qui constitue un des motifs plastiques de prédilection de l’artiste. Pour des raisons d’homothétie formelle, ce motif est dans sa nature d’une grande efficacité visuelle puisqu’il entraîne le regard vers le point focal de la toile. Sonia Delaunay explore dans Cible le principe structurel des cercles concentriques (inauguré en 1913 par Robert Delaunay avec son célèbre Disque) dans un style qui lui est propre : points, rayures, triangles sont répartis dans chacun des cercles concentriques, sans dégradé ni modelé, de façon à créer par le jeu des contrastes et des répétitions, une impression de rythme visuel. On voit comme le vocabulaire plastique de Sonia Delaunay, résolument moderne, se nourrit du travail qu’elle réalisa pour les imprimés textiles dans les années 1920-1930. C’est par cette absence de frontière entre art décoratif et art pictural qu’elle a d’ailleurs contribué à enrichir et renouveler de manière inédite le langage de l’abstraction.
À ce titre, la participation de Sonia Delaunay à l’Exposition Universelle de 1937 marque une étape dans sa carrière. Jusqu’alors considérée comme « Ensemblière » ou « Décoratrice », elle a démontré ici sa capacité à exécuter des œuvres de format monumental. Elle a également affirmé son désir de synthèse des arts, qu’elle aura l’opportunité de développer dans les années de l’après Seconde Guerre mondiale, dans le cadre du groupe Espace notamment.
