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Sam Francis : Gravures

11 décembre 2019

La première partie de la vente Editions du 11 décembre 2019 présentera un ensemble d’une cinquantaine de gravures au sein d’un catalogue : « Sam Francis – Gravures ».

« Je crois que ce qui est plaisant c'est la compression du temps et de l'espace dans cet unique moment où l'on appuie sur le bouton [de la presse] et qu'il revient. C'est la compression physique, mentale, spirituelle. Tout est comprimé en ce moment. C'est très différent que de faire une peinture. »

Sam Francis (1923-1994) SFE-077 RC, Trietto 4 - 1991

Sam Francis (1923-1994)
SFE-077 RC, Trietto 4 - 1991

Estimation : 6000 / 8000 €

Sam Lewis Francis naît le 25 juin 1923 à San Mateo (Californie). Il est l'aîné d'une famille d'origine anglaise et française avec un père mathématicien, une mère pianiste qui enseigne aussi le français, et qui compte notamment dans son ascendance Henri de Toulouse-Lautrec. Il ne se destine pas au départ à une carrière artistique, suit des études de médecine puis s'engage dans l'armée comme aviateur en 1944. Un grave accident met fin à son rêve de pilote et c'est pendant son hospitalisation et sa convalescence qu'il commence à peindre. Il sera, d'ailleurs, convaincu toute sa vie des vertus thérapeutiques de l’art. Il débute ses études d'art auprès de David Park qui fondera plus tard le groupe du « San Francisco Bay ». Ses premières confrontations concrètes avec les œuvres de Klee, Picasso, Miró et surtout El Greco le laissent véritablement sous le choc. Fort de ces rencontres picturales, il suit des cours à l'Université de Berkeley en 1948. L’influence d’Hans Hofmann, ancien professeur, est encore prégnante et l'expressionnisme abstrait domine dans les enseignements.

La confrontation de l'artiste avec la gravure débute avec la lithographie. Dans un premier temps, il s'intéresse peu à cette discipline qu'il juge commerciale. Mais, l’apparition aux Etats Unis d’ateliers d’artistes graveurs comme celui de Tamarind met rapidement fin à ses réticences initiales. C’est l’imprimeur Tatyana Grosman qui lui présente pour la première fois la pierre de gravure. Il est « envoûté » par cette matière si spéciale et commence à se l’approprier. Installé à Paris dans les années 1950, Sam Francis voyage dans toute l’Europe et notamment en Suisse à la rencontre de son galeriste et ami Eberhard W. Kornfeld qui l'encourage à travailler la lithographie. Et c’est à Zurich, en 1960, que la toute première série de 60 lithographies est réalisée avec l'imprimeur Emil Matthieu.

Sam Francis (1923-1994) SFE-075 RC, Trietto 2 - 1991
Sam Francis (1923-1994)
SFE-075 RC, Trietto 2 - 1991

Estimation : 6000 / 8000 €

Le médium de la lithographie correspond bien à la personnalité de l'artiste. Sam Francis aime, en effet, rapiécer les ensembles, travailler les couches de couleurs et les superposer, voir à l'envers ce qui sera imprimé et développer le thème chromatique. C'est le puzzle qui l'anime et le défi qui en découle qui le passionne. Pour l'artiste, ce défi est celui de la visualisation de l’esprit : « C’est sain, cela me force à penser les choses, à la différence de la peinture, qui est plus directe ». La technique de la lithographie correspond aussi au geste du splash et du dripping, caractéristique de Sam Francis. Il peut ainsi transposer directement son “drip and splash” expérimenté et développé dans sa peinture sur la plaque de pierre. Sa passion pour la lithographie est encore renforcée par la transparence de l'encre lithographique qui lui permet d'envisager les couleurs et les formes comme des veines fines qu'il peut à loisir compléter et renforcer à la différence de la peinture à l'huile et sa matière si opaque.

Sam Francis (1923-1994) SFE-078 RC, Trietto 5- 1991

Sam Francis (1923-1994)
SFE-078 RC, Trietto 5- 1991

Estimation : 6000 / 8000 €

La relation de Sam Francis avec la pierre lithographique relève de la mystique : c'est une véritable alchimie qui en émane. Elle est, selon l'artiste, la source de vie de ses estampes. Il pense la pierre comme ayant une source de vie unique avec ses propres propriétés physiques. Ses premières estampes se réfèrent d’ailleurs à sa recherche de « l'esprit de la Pierre ». Il reconnaît même l’existence d’un élément mystérieux dans la pierre qui reste partiellement hors de sa maîtrise. La pierre serait donc l'unique médium par lequel ses rêves peuvent prendre forme. Son travail évolue rapidement avec les encres lithographiques qui deviennent “des formes démoniaques translucides qui rampent sur la surface, leurs intérieurs mouchetés remplis d'une vie qui tente de s'extirper de la peau qui les contient.” Puis, les nouvelles masses qui étaient poussées vers l'extérieur de la planche remplissent désormais le centre. Dans les estampes des années suivantes, de larges pans de la composition sont laissés en blanc. Ainsi, pour Sam Francis, l’espace devient un vide infini dans lequel les proportions sont inutiles. Le blanc est un élément central dans son œuvre. Il permet à la couleur de s'exprimer et réaffirme par là même son rôle vital. L’encre permet d’oblitérer ou d’exposer le blanc : le blanc devient sujet. D'ailleurs, ce blanc est rarement celui de l'encre mais souvent celui du papier. Sam Francis s'attarde sur ce blanc du papier : “Le papier a sa propre beauté… il se suffit à lui-même. Vous additionnez donc un état absolu à un autre état absolu… Le papier a son propre message.” Pourtant, Sam Francis n'utilisera qu’à la marge des papiers faits main pour lui préférer des papiers classiques comme le BFK Rives qui laisse briller et s’exprimer ses couleurs.

Dans la seconde partie des années 1960, les formes deviennent plus plates et linéaires et se cantonnent aux bords du papier laissant le centre de la composition vide et honorent le blanc. Les couleurs semblent hésiter à poursuivre leur route vers le centre de la planche.

Sam Francis (1923-1994) SF-89, A Sail - 1969
Estimation : 3000 / 4000 €

Sam Francis a travaillé dans plusieurs ateliers de gravure dans le monde. Ses premiers travaux en Suisse s'enchaînent avec ceux du Tamarind Lithograpy Workshop qui ouvre en 1960 à Los Angeles, puis au Japon, à New York et enfin chez le mythique Gemini à Los Angeles qui ouvre ses portes en 1965. C'est en 1970 que Sam Francis ouvre son propre atelier de gravure “The Litho Shop” à Santa Monica afin de pouvoir maîtriser tous les aspects de la production de l’estampe. Cela ne l'empêche pas de travailler encore avec de plus grands ateliers comme chez Gemini où il peut employer des méthodes et des matériaux qu'il ne pourrait utiliser dans son atelier aux moyens et dimensions limités.

Le processus de fabrication de l'estampe est le même dans son atelier que dans n'importe quel autre. Il conçoit seul dans un premier temps jusqu'à ce que l'image soit définitive puis il travaille avec ses artisans jusqu'à la fin du processus d’impression. Pour aboutir au résultat final il conduit de nombreux essais ou épreuves chacune ayant des variantes de couleurs ou d'orientation des pierres. Il leur donne d'ailleurs parfois des titres démontrant que ces essais ne sont pas seulement des variantes mais des œuvres à part entière. Il maîtrise au fur et à mesure toutes les techniques d’impression jusqu’aux grandes plaques de pierre à sa disposition chez Gemini. C’est dans cet atelier que l'artiste découvre la sérigraphie qui l'amène à revoir son schéma de pensée dans le processus de création d'une estampe. Il s'était approprié la pierre et son fantôme, maintenant c'est la soie dont il s'empare, plus sensuelle et plus poétique. De la même manière qu'il applique ses formes transparentes en lithographie, il utilise la sérigraphie pour apposer différentes couches de couleurs en les éclairant par-dessous au fur et à mesure de l'encrage pour apercevoir la composition finale. Cette immédiateté de l’analyse de la composition est unique à la sérigraphie et fait défaut à la lithographie.

Sam Francis (1923-1994) SF-340 - 1989

Sam Francis (1923-1994) SF-340 - 1989
Estimation : 5000 / 7000 €

Enfin, il se confronte à l'eau-forte, mais avec plus de difficultés. Sa rencontre avec la matrice en cuivre n'est ni aussi intense qu'avec la pierre lithographique, ni aussi inédite qu’avec la sérigraphie. C'est en 1973 qu'il commence à produire des eaux-fortes imprimées et éditées par 2RC Edizioni d'Arte à Rome. Certaines de ses créations sont en noir et blanc et d'autres en couleurs. Il faudra attendre 1981 et son travail avec David Kelso chez Gemini pour que son intérêt pour la gravure sur cuivre grandisse. Cette même année, il installe dans son Litho Shop une presse pour l'eau-forte et commence à travailler régulièrement ce médium.

Sam Francis (1923-1994) SF-106A - 1969

Sam Francis (1923-1994) SF-106A - 1969
Estimation : 1600 / 2000 €

Pour Sam Francis, son studio sera, toute sa vie durant, celui de l'expérimentation, des essais, de la gestation créatrice jusqu'à l'aboutissement à une lithographie, une sérigraphie, ou une eau-forte. Il y travaillera le papier et la poussée réalisée sur celui-ci au moment de l'impression. Il travaillera son geste, ses formes, ses images jusqu'à produire un travail inédit : jamais vu.

Sam Francis (1923-1994) SF-343 - 1990
Estimation : 3000 / 4000 €

A sa mort, le 4 novembre 1994, ce sont près de 115 intaglios, 335 lithographies, 21 sérigraphies et 8 posters qui constituent l’œuvre imposante de Sam Francis. Rares sont les artistes qui ont approché la gravure avec un tel respect et une telle implication. La Maison de vente Piasa présente ici, à l’occasion de sa vente semestrielle d’Editions, un ensemble autour de l'artiste avec pas moins de cinquante estampes présentant son travail et son engagement total dans la discipline de la gravure au travers de magnifiques lithographies, sérigraphies et eaux-fortes.

Vente associée

Sam Francis Gravures

Paris mercredi 11 déc. 15:00 Voir les lots

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