Il y a exactement un siècle se mettait en marche la révolution surréaliste. En réaction au désastre de la Grande Guerre, André Breton, qui publie son Manifeste du surréalisme en octobre 1924, réunit autour de lui des poètes et des artistes qui veulent changer le monde et dont l’influence rayonnera bien au-delà de nos frontières. Les récents travaux de Freud et de Lacan sur le rôle de l’inconscient viennent alimenter les grands principes de ce mouvement qui souhaite donner une place prépondérante à l’irrationnel, au hasard, au pouvoir des rêves, à l’automatisme dans une quête du merveilleux, de la beauté, et de l’amour fou. Au monde du réel se substituait alors le monde immatériel de la poésie avec notamment des poètes comme Desnos et Éluard, présents dans cette vente.
Cette collection est à l’image de Geneviève et Jean-Paul Kahn, qui ne choisissaient jamais une œuvre en fonction de son auteur mais toujours pour ce qu’elle évoquait, pour son histoire ou plus simplement pour son caractère unique ou insolite.
Les surréalistes usèrent de tous les modes d’expression sans limitation et cet ensemble est riche de cette diversité. On y retrouve des peintures, des dessins collectifs mais aussi des collages, si chers à Max Ernst, des objets détournés de Man Ray, ou encore ce fameux Ready-Made de Duchamp L.H.O.O.Q..
Parmi les boîtes-objets, on peut citer aussi quelques raretés comme Le désir, la seule boîte réalisée avant la guerre par Remedios Varo, un bijou de Georges Hugnet de 1934 offert à son ami Vulliamy, ou encore ce cadeau délicat de Jacqueline Lamba à Man Ray, Pour la poche.
Les femmes ont tenu une place importante au sein du groupe. Quand certaines furent davantage des muses pour les surréalistes, comme Nusch Éluard dont nous présentons l’un des rares collages, d’autres furent des artistes consacrées comme Kay Sage ou Dorothea Tanning avec notamment cette importante peinture intitulée Les Trois Garces.
Simon Hantaï (Bia, Hongrie, 1922 - Paris, 2008)
Peinture, 1953 - 1954
Estimation : 100000 / 150000 €
Nombreuses parmi ces œuvres sont celles qui ont figuré dans les expositions d’anthologie du surréalisme, qu’il s’agisse de l’Exposition Surréaliste d’objets à la galerie Charles Ratton en 1936, celle à la galerie des Beaux-Arts en 1938 ou plus récemment La Révolution Surréaliste au Centre Pompidou en 2002.
Si la plupart furent exposées et publiées, Jean-Paul Kahn était aussi un collectionneur discret et certaines œuvres, parfois acquises directement auprès de descendants ou de proches d’artistes, sont totalement inédites, comme ces trois peintures de Jacques Hérold présentes dans la collection.
Pendant la guerre, l’aventure surréaliste s’est poursuivie à New York où deux grands marchands, Julien Levy et Pierre Matisse, ont beaucoup contribué à rendre célèbres ces « artistes en exil » dont l’influence sur les artistes américains fut considérable, comme en témoigne un grand dessin de Pollock de 1943.
C’est aussi à New York que Jean-Paul Kahn a découvert le Pop Art dans les années 1970 et qu’il commença à acquérir des pièces aujourd’hui historiques datées du début des années 1960 comme ce Hot-Dog Tray de Lichtenstein, ce Little Great American Nude de Wesselmann, ou encore ces deux rares Self-portraits de Warhol réalisés pour l’exposition du dixième anniversaire de la galerie de Leo Castelli.
Si cet ensemble explore le surréalisme dans ses fondations et dans sa très grande diversité d’expression, il rend hommage à la curiosité toujours renouvelée de Jean-Paul Kahn pour s’être aussi intéressé aux artistes de son temps qui ont souhaité entretenir l’esprit du surréalisme en restant fidèle à l’un de ses principes fondamentaux, le rêve.
David Lévy
