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Bernard Rancillac (né en 1931), Fin tragique d'un apôtre de l'Apartheid

5 septembre 2018

Le courant de la figuration narrative est apparu à travers deux expositions organisées par le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot : « Mythologies quotidiennes », en 1964 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, et « La Figuration narrative dans l’art contemporain », en 1965, à la galerie Creuze.

Marquant un renouveau de la figuration, l’émergence de ce courant est à considérer comme une réaction à l’abstraction lyrique et à la froideur formaliste du Pop art américain, auquel ils opposent « la nécessité de rendre compte d’une réalité quotidienne de plus en plus complexe et riche. » (Gérald Gassiot-Talabot). Issus d’horizons assez distincts, les principaux protagonistes du mouvement sont Valerio Adami, Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo, Leonardo Cremonini, Erró, Gérard Fromanger, Peter Klasen, Jacques Monory, Bernard Rancillac, Antonio Recalcati, Peter Stämpfli et Hervé Télémaque. Au-delà de la diversité de leur langage plastique, ils ont en commun le report photographique, le traitement lisse et en aplats, des dessins simplifiés aux contours nets et précis inspirés des techniques de l’illustration, de la publicité et du cinéma.

Bernard Rancillac (né en 1931)
Fin tragique d'un apôtre de l'Apartheid, 1966
Acrylique sur toile
Signée datée et titrée au dos
73 x 92 cm


Si par l’ensemble de ces caractéristiques, les artistes de la figuration narrative ne sont a priori pas à l’opposé de ceux du Pop art américain, ils s’en démarquent cependant par le refus de toute neutralité idéologique et par l’introduction de l’anecdote et du temps dans la peinture. Ainsi, en 1967, Gérald Gassiot-Talabot définissait à l’occasion de l’exposition « Bande dessinée et Figuration narrative » présentée aux Arts décoratifs : « Est narrative toute œuvre plastique qui se réfère à une représentation figurée dans la durée, par son écriture et sa composition, sans qu’il y ait toujours à proprement parler de « récit » ». En effet, leurs œuvres intègrent souvent une dimension temporelle dans les jeux de composition, les montages et les juxtapositions de scènes qui s’inspirent, chez Monory du cinéma ou chez Erró et Rancillac, de la Bande dessinée. Il y a là, comme dit Télémaque, une certaine « urgence de l’expression » qui se manifeste à travers la recherche d’un impact visuel fort dans le traitement des formes.


La volonté de produire un art militant et provocateur dans le monde de l’art s’est exprimée dans l’exécution d’œuvres collectives parmi lesquelles Une passion dans le désert (1965), série de treize tableaux illustrant une nouvelle de Balzac peinte par Aillaud, Arroyo et Recalcati et à envisager comme une attaque ironique contre une abstraction jugée trop sage et une figuration trop poétique. Citons également des mêmes artistes le célèbre polyptyque Laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp (1965), à travers lequel on assiste au meurtre du père de la modernité, précisément encensé par les artistes du Pop art et ceux du Nouveau Réalisme. A celui qui incarnait la toute puissance de l’artiste à travers le concept de « Ready-Made », Aillaud, Arroyo et Recalcati rétorquent : « Si l’on veut que l’art cesse d’être individuel, mieux vaut travailler sans signer que signer sans travailler. »


L’engagement politique des artistes de la figuration narrative a culminé lors des événements de Mai 68, avec la collaboration de nombre d’entre eux (Aillaud, Arroyo, Cueco, Fromanger, Rancillac…) à l’atelier populaire organisé par les étudiants de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris : par l’impression d’affiches en sérigraphie sans signature, l’art collectif prend ici sa forme la plus radicale. Les expériences d’art collectif s’exprimeront par la suite dans les peintures parodiques d’Equipo Cronica et les fresques subversives et allégoriques de la Coopérative des Malassis, constituée en 1970 par Henri Cueco, Lucien Fleury, Jean-Claude Latil, Michel Parré et Gérard Tisserand.

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Art Moderne et Contemporain, Éditions

Paris jeudi 6 déc. 19:00 Voir les lots

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