La maison PIASA organise le mardi 20 décembre une vente d’éditions : estampes, livres illustrés et œuvres multiples.
Dans l’histoire de l’art, Niki de Saint Phalle (1930-2002), fait figure d’exception. Peu de femmes artistes jouissent comme elle d’un tel niveau de reconnaissance auprès d’un large public. Elle s’est faite un nom et un destin à sa mesure grâce à sa liberté de son expression, l’iconoclasme de ses gestes et la démesure de ses projets. Toutefois, elle a longtemps fait l’objet de malentendus, cantonnée à ses iconiques Nanas, à ses déclarations enflammées et à son sens ardent de la parure. Son travail est enfin reconsidéré aujourd’hui dans toute sa richesse et sa complexité ; envisagé pour son apport incontestable et unique à une histoire des formes et des gestes ; mesuré à l’aune de son engagement et de son attention aux troubles et aux combats de son époque. A la lumière aussi de son lien si puissant avec un autre grand artiste de son temps : Jean Tinguely.
Niki de Saint-Phalle naît en 1930 à Neuilly-sur-Seine. Elle est la deuxième des cinq enfants de Jeanne Jacqueline née Harper et de André Marie Fal de Saint Phalle, originaire d’une famille française de banquiers. Le krach de Wall Street entraîne certaines conséquences pour l’entreprise familiale et un déménagement pour les Etats-Unis. Désormais, Niki fait son éducation dans les écoles américaines tout en passant régulièrement ses séjours d’été en France.
Sa vocation artistique se révèle lors d’un séjour en hôpital psychiatrique, à 22 ans où elle est internée pendant quelques temps. C’est au cours de cette hospitalisation qu’elle découvre sa vocation d’artiste et en particulier la peinture et décide d’y consacrer sa vie. Dès ce moment, Niki de Saint Phalle se lance dans une activité picturale effrénée. « Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme. C’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi dans mon travail ». Elle n’avait pas le choix, dit-elle. « C’était mon destin. […] J’ai embrassé l’art comme ma délivrance et comme une nécessité ». Elle ne cessera de créer depuis lors.

En 1956, Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely se rencontrent lorsque celle-ci s'installe pour quelques mois dans l'atelier de l'artiste américain Jim Metcalf. Tinguely y vit et occupe un atelier avec Eva Aeppli. Une grande amitié naît alors. En plus des affinités personnelles, des liens professionnels se trament aussi pour ne plus jamais se défaire. À cette époque, Saint Phalle vit encore avec Harry Mathews. Ce n'est qu'à partir de 1960 qu'elle décide de s'installer seule de manière définitive, quittant son mari et ses enfants. Les liens entre elle et Tinguely deviendront alors rapidement plus qu'amicaux, à en croire la correspondance qu'ils entretiennent alors. Entre 1960 et la fin de l'année 1963, elle partage l'atelier de Tinguely ; ils réalisent alors leurs premières œuvres communes : une série de petits assemblages de fils de fer et d'objets quotidiens, qui consistent davantage en des expérimentations qu'en des œuvres finies. Leur collaboration se poursuit et en 1967, Saint Phalle et Tinguely se rendent à Stockholm et commencent à travailler sur Hon. Il s'agit alors de leur première œuvre de collaboration monumentale. Moins d'un an après, ils répètent l'expérience pour Expo 67 à Montréal où ils exposent, sur le toit du Pavillon français, leur Paradis fantastique - un ensemble de neuf sculptures colorées en résine de polyester confectionnées par Niki et six machines métalliques de Tinguely qui interagissent entre elles.
En juillet 1971, Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely se marient. Paradoxalement, cette union survient au moment où les deux artistes décident de se séparer en tant que couple. La raison principale de leur mariage réside dans la volonté de confier l'un à l'autre la responsabilité posthume de leurs œuvres. Malgré leur séparation, les deux artistes resteront donc liés et très proches ; leur collaboration artistique ne semblant pas souffrir de cette rupture. En effet, plusieurs projets voient le jour comme un film Un rêve plus long que la nuit, Le Jardin des Tarots, en Italie ou encore La Fontaine Stravinsky qui est inaugurée en mars 1984 à Paris.

La mort de Jean Tinguely en 1991 marque la fin de la collaboration qu'entretient Niki de Saint Phalle avec lui. Pourtan, Saint Phalle travaillera pendant de longues années afin de faire en sorte que l'œuvre de son partenaire ne soit pas oubliée. En son honneur, elle crée une série de tableaux mobiles intitulée Méta-Tinguely (1991-1992) au sein desquels elle mêle les éléments iconographiques typiques de l'art de Tinguely aux siens. Peu après, elle réalise ses Tableaux éclatés qu'elle considère comme des œuvres collaboratives bien que créées en l'absence de Tinguely. Dans une lettre posthume lui étant adressée, elle écrit ainsi : « À travers mes nouvelles œuvres, Jean, nous continuons à collaborer. Tu es toujours présent même si ces tableaux ne te ressemblent pas ».
En 1996, le Musée Tinguely est inauguré à Bâle. Fruit d’une donation de Niki de 52 sculptures et de nombreux dessins, il perpétue encore un peu plus le lien qui les unissait.