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César : maître de la compression

29 mars 2021

À l'occasion de sa prochaine vente aux enchères d'Art Moderne et Contemporain qui aura lieu le 8 avril 2021, PIASA présentera à la vente plusieurs lots du célèbre artiste Français César Baldaccini. 

César, dont on célèbre cette année le centenaire de sa naissance, compte parmi les figures majeures de la création artistique de l’après Seconde-Guerre Mondiale. Après avoir étudié de 1943 à 1948 la sculpture à l’école des Beaux- Arts de Paris, il se tourne dans les années 1950 vers les déchets métalliques et l’emploi de la soudure à l’arc, la pauvreté de ses ressources l’empêchant de se procurer des matériaux plus nobles, tels que le marbre et le bronze. Ce choix témoigne également de son admiration pour les sculptures métalliques de Gargallo, Gonzalez, Giacometti et Picasso. 

En 1954, César installe son atelier dans une usine à Villetaneuse au milieu des décharges de ferraille qui constitueront sa matière première. Ses sculptures, constituées de l’assemblage de ferraille soudée, s’inscrivant bien dans le climat misérabiliste de l’après-guerre, se métamorphosent peu à peu en insectes, en bêtes fantastiques et créatures humaines étranges. C’est la période qui marque le début de sa reconnaissance : il obtient le prix des Trois Arts avec Le Poisson, qui est exposé dans la cour de la galerie Lucien Durand, et il entre dès l’année suivante au Musée national d’Art Moderne. En 1956, César est très remarqué lors de sa présentation de cinq sculptures dans une des salles du Pavillon Français de la Biennale de Venise. A cette époque, César réalise des bronzes à partir de Fers existants et inaugure en 1957 la série des Plaques (lot 41).


César (César Baldaccini, dit) (1921-1998)
Relief, 1955
Estimation : 6 000 / 9 000 €


Ces grandes sculptures verticales témoignent d’une nouvelle orientation : bidimensionnelles, abstraites, elles reposent sur la répétition linéaire d’éléments plats, qui constituent « une texture écailleuse » (César). Fort de son succès, il signe un contrat d’exclusivité avec la galerie Claude Bernard et avec la Hannover Gallery de Londres (1958). La série des grands Panneaux-Reliefs que César réalise en 1961-1962 en tôle de carrosserie, rappelant les Reliefs muraux de 1955, reposent sur l’assemblage compact de débris soudés sur un fond métallique. L’année 1960 marque une étape décisive dans la carrière de César avec l’apparition des premières Compressions. Cette série fut initiée après qu’il découvre fortuitement chez un ferrailleur de Gennevilliers une presse hydraulique américaine géante, capable d’engloutir la taille d’une voiture. Lorsque César présenta au XVIe Salon de Mai de 1960 ses premières « Compressions » (trois automobiles compressées), le public cria au scandale. Plus averti, le critique d’art Pierre Restany y vit une rupture décisive dans l’histoire de la sculpture, évoquant « un nouveau stade du métal », soumis à « une réduction quintessentielle ». Il invita ainsi César à rejoindre le groupe des Nouveaux Réalistes qu’il avait constitué en octobre 1960 avec notamment d’Yves Klein, Arman, Raymond Hains, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle … Le critique d’art avait perçu chez ces artistes une méthode commune d’appropriation du réel direct qu’il assimilait à « un recyclage urbain, industriel et publicitaire » (60/90. Trente ans de Nouveau Réalisme, édition la Différence, 1990, p. 76).

César a exécuté des Compressions durant toute sa carrière, recourant aux matériaux les plus divers et explorant les possibilités formelles de la presse à la manière d’un outil artistique. Ainsi, la Compression murale de 1976, (lot 46) témoigne d’un regain d’intérêt de l’artiste pour les déchets industriels. Aplatie, elle repose toujours sur l’utilisation de la presse, mais les matériaux sont enduits de colle afin d’assurer leur maintien à la verticale. Le goût des matériaux usés n’a jamais quitté César dont l’oeuvre oscille souvent entre deux pôles, entre un art pauvre et un art plus flamboyant. Les Compressions témoignent de cette quête « d’un autre chose » qui ne le quittait jamais, de son perpétuel esprit d’invention et de recherche, de ses trouvailles inédites.


César (César Baldaccini, dit) (1921-1998)
Arrachage, 1961

Estimation : 8 000 / 12 000 €


Ainsi, César, à l’occasion d’une exposition organisée par la Galerie Claude Bernard en 1965 sur le thème de « La Main, de Rodin à Picasso », découvre à travers l’usage d’un pantographe, une technique qui lui permet de réaliser d’immenses agrandissements du moulage de son pouce (lot 47). Il le réalise non pas en bronze mais dans une nouvelle matière, la résine synthétique. Pour César le pouce est l’incarnation de l’anti-sculpture : « Mon but, ce n’est pas le pouce, le pouce fait partie du but que je me suis assigné. Je veux faire mon portrait avec des fragments de mon portrait. Donc, le fait de prendre cet outil et de mouler mon pouce qui n’est pas une sculpture (il n’y a rien de plus anti-sculpture qu’une empreinte humaine) permet de passer à autre chose… tandis que, en développant mon empreinte à cette échelle, je la fais devenir sculpture (César, Conversation autour d’un pouce, lettres françaises, 30 décembre 1965). Cette empreinte donnera lieu à des réalisations petites et de plus en plus grandes, dans toute sorte de matériaux (matière plastique, marbre blanc, cristal, fonte d’acier ou de fer, bronze.


César (César Baldaccini, dit) (1921-1998) Sculpture brocher en or jaune ciselé 18K (750‰) César (César Baldaccini, dit) (1921-1998) Sculpture brocher en or jaune ciselé 18K (750‰) Signé et numéroté au dos "81/100" Edition de 100 exemplaires 4 x 2,5 cm Poids: 16 g. Provenance: Collection particulière, Paris Cette oeuvre est enregistrée dans les Archives de Madame Denyse Durand-Ruel sous le n° 2961

César (César Baldaccini, dit) (1921-1998)
Sculpture brocher en or jaune ciselé 18K (750‰)
Estimation : 2 500 / 3 000 €


César se livrera à d’autres empreintes anatomiques, comme celle du sein d’une danseuse du Crazy Horse. Les Empreintes marquent le début de sa reconnaissance internationale avec l’organisation de rétrospectives à Amsterdam, Duisbourg ou Marseille. Lors des essais de réalisation des Empreintes humaines, César fit la découverte de matériaux inédits comme la mousse de polyuréthane. Celle-ci le fascina par son pouvoir à se développer et à créer, en dehors du moule, des formes souples et organiques. Il en explorera les possibilités multiples avec la série des Expansions à partir de 1967, qui sont l’antithèse matérielle des Compressions : leur création dirigée donne lieu à des happenings (de 1967 à 1970) et elles firent l'objet d'une exposition à Paris en 1977.

Nommé professeur à l’École des beaux-arts de Paris en 1970, César jouit à partir de cette date d’une notoriété grandissante. Maître des Fers soudés, inventeur des Compressions , des Expansions et des Empreintes humaines, il décline suivant ces différents axes son œuvre, ne cessant d’en renouveler l’expression, faisant l’expérience des changements d’échelle et de l’exploration de nouveaux matériaux. Ainsi, à partir de 1978, il entreprend de revisiter sa production en re-courant à la technique du bronze soudé qui lui permet de retoucher par soudage des anciens Fers. C’est à partir de cette technique qu’il réalisera les œuvres monumentales majeures telles que Le Centaure, hommage à Picasso (1988), le Flying Frenchman, offert par Cartier à la ville de Hong-Kong en 1992, ou bien encore l’Hommage à Eiffel (1984-1988). La rétrospective que consacre le Centre Pompidou à César en 2017, vingt ans après sa disparition, a contribué à rappeler la complexité et l’originalité profondes de sa création.


César (César Baldaccini, dit) (1921-1998) Arrachage, circa 1961 César (César Baldaccini, dit) (1921-1998) Arrachage, circa 1961 Encre de Chine sur papier arraché Signé en bas à droite 105 x 75 cm Provenance: - Vente Paris, Etude François de Ricqlès, 9 Décembre 1998 - Acquis auprès de cette dernière par l'actuel propriétaire - Collection particulière, Paris Bibliographie: Daniel Abadie, "César", Galerie Nationale du jeu de Paume, Editions du jeu de Paume/

César (César Baldaccini, dit) (1921-1998)
Arrachage, circa 1961
Estimation : 8 000 / 10 000 €


« Ses dessins, (lots 38,39 et 40) par exemple qui sont des décollages de papiers gommés préalablement encrés, évoquent, par la répétition caractéristique des touches rectangulaires la série antérieure des « Plaques » (1959), sculptures frappantes par leur tendance à la bidimensionnalité. Le parti pris décoratif évident ne fait qu’exalter l’expressivité réaliste de la matière, le triomphe « vériste » de l’objet fossile mécanique. Mais le public parisien, ignorant cet aspect profondément réaliste a préféré y voir, à travers le parti pris de la composition, un retour en arrière et un compromis. Réaction fort significative : ce même public qui faisait naguère grief à César de son esthétisme, est tout prêt à en saluer aujourd’hui la réapparition rassurante. On ne pardonne rien à César: ni sa réussite, ni ses dons, encore moins ses options anticipatrices. »

En 1957, la collaboration entre César et le métal prend une nouvelle forme : l’artiste fabrique désormais des plaques de métal soudé qui s’apparentent à des bas-reliefs ou des « tableaux de fer ». Ces oeuvres illustrent la volonté de César d’« abandonner le morcelage des pièces de métal » pour revenir à « une matière plus homogène » dans son œuvre. Opérant un déplacement du sculptural vers le pictural, les plaques se définissent plus comme des tableaux que comme des formes qui se déploient dans l’espace. Ainsi, pour Pierre Restany « la série des Plaques, (est) remarquable pour sa tendance à la bi-dimensionnalité, la répétition linéaire des éléments plats, l’animation interne des structures, à la superficie crevassée, fendue, parfois trouée de part en part. (Même phénomènes d’animation vibratoire et de respiration profonde). » 


César (César Baldaccini, dit) (1921-1998)
Sans titre, 1957
Estimation : 50 000 / 70 000 €


Notre œuvre, datant du début de cette série, fut offerte par César à Bob Calle, père de l’artiste Sophie Calle, grand collectionneur et ami de César. Dans cette œuvre, le sculpteur témoigne ici de sa pleine maîtrise du métal dont il explore le potentiel plastique : il en exploite la richesse énergétique en déformant la plaque à sa surface, la martelant avec acharnement et allant jusqu’à la perforer dans sa chair. Ce travail d’appropriation de la surface métallique par César n’est pas sans évoquer les recherches matiéristes de ses contemporains, comme celles de Fontana avec les tableaux lacérés mais aussi les Buchi, ou bien encore les peintures d’Alberto Burri dans lesquelles il introduit des lambeaux, creuse des crevasses. Si César délaisse avec la série des Plaques la figure humaine pour un registre abstrait, l’expressivité vibrante de cette œuvre témoigne de la connaissance en profondeur qu’il avait de la matière, à laquelle il confère une dimension organique, voir charnelle. Pierre Restany n’écrivait-il pas : « César "vit" cette ferraille, il la sent comme on respire, il en a une intelligence profonde, sensible, directe. »

 

César (César Baldaccini, dit) (1921-1998)
Sans titre, 1970
Estimation : 20 000 / 30 000 €





Vente associée

Art Moderne et Contemporain

Paris jeudi 8 avr. 18:00 Voir les lots

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