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Les Trois Garces de Dorothea Tanning

28 mai 2024

Américaine vivant à New York, Dorothea Tanning est proche des artistes exilés qui naviguent autour du marchand Julien Lévy et André Breton pendant la Seconde Guerre mondiale. Fin décembre 1942, elle reçoit dans son atelier Max Ernst venu sélectionner des œuvres pour l’audacieuse exposition Thirty Women organisée par Peggy Guggenheim en 1943. La visite d’atelier se transforma en partie d’échecs. Les deux artistes formèrent aussitôt le couple de légende immortalisé par cette célèbre photo où ils posent tous deux dans le désert de l’Arizona où ils séjournèrent de 1946 à 1953 et laissèrent libre cours à leurs génies créateurs. Quand Max Ernst rencontra Dorothea Tanning, il venait de se marier avec Peggy Guggenheim. Lors de leur divorce, Peggy accepta que Max Ernst garde leur petite chienne « Lhassa Apso », prénommée Katchina, et deux des chiots.

Tandis que Max Ernst s’était créé un alter-ego, Loplop, le supérieur des oiseaux, présent dans la plupart de son œuvre, Dorothea Tanning trouva en Katchina son alter-ego, lui aussi doté de dons surnaturels selon elle. Les « Lhassa Apso » étant originaires du Tibet, les ancêtres de Katchina avaient vécu dans les monastères du Tibet. Pour Dorothea Tanning, ils avaient des réponses aux grandes questions et cela conférait à Katchina des pouvoirs magiques. De la magie au surréalisme, il n’y a qu’un pas. Le surnom de Katchina, qui fait référence aux esprits de la mythologie amérindienne Hopi et aux poupées rituéliques, renforce le côté surnaturel de la petite chienne et l’élève au rang de muse. Ainsi Katchina apparaît-elle dans nombre d’œuvres de Dorothea Tanning.

Dorothea Tanning (Galesburg Illinois, 1910 - New York, 2012)
Les Trois Garces, 1953
Estimation : 300000 / 400000 €


Dans Les Trois Garces (lot 46), Dorothea Tanning représente trois Katchina métamorphosées en être hybrides et oniriques, mi-chiennes, mi-femmes, dans la même pose que les Trois Grâces de l’Antiquité, trois femmes d’une beauté idéale. Tanning joue habilement sur les mots, sur leur son et leur sens. L’anagramme se confond avec la contrepèterie. Une lettre change de place dans le mot et le titre change de sens. Les trois Charités de la mythologie grecque incarnaient les déesses du charme, de la beauté et de la créativité. Elles sont transformées en créatures animales. La divinité bascule dans la trivialité et la sexualité. Tanning révèle avec humour et ironie le regard - conscient ou inconscient - porté sur le corps féminin devenu animal. En 1967, Dorothea Tanning reprend cette idée de la métamorphose dans un photomontage de son autoportrait où sa tête est remplacée par celle de Katchina. Les Trois Garces sont exposées à la Galerie Fürstenberg pour la première exposition personnelle de l’artiste à Paris en 1954.

“Art has always been the raft onto which we climb to save our sanity. 
I don’t see a different purpose for it now. It’s hard to be always the same person.”

Dorothea Tanning







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