Aujourd’hui, le terme « tapisserie » est largement utilisé pour décrire une variété de textiles tissés, qu’ils soient brodés ou bien tissés mécaniquement. Historiquement, le terme « tapisserie » désignait exclusivement les textiles à trame et souvent à figures, tissés à la main à l’aide d’un métier à tisser. Le métier se compose de deux rouleaux qui tendent les fils de chaîne, formant ainsi la structure de soutien de la tapisserie. En raison de sa solidité, la laine était couramment utilisée pour les fils de trame, tandis qu’une variété de matériaux pouvait être utilisée pour la chaîne, y compris la laine, le lin et la soie.
Les tapisseries traditionnelles sont devenues particulièrement populaires en Europe au cours du XIVe siècle. En 1384, Philippe le Hardi hérite de la province d’Artois en France et décore sa cour de tapisseries illustrant les exploits dynastiques, religieux et commerciaux de ses territoires. Entre le XVe et le XVIe siècle, les familles royales et la noblesse européenne ont commandé des tapisseries élaborées pour les exposer dans leurs résidences, leurs églises et leurs châteaux. Henri VIII d’Angleterre, par exemple, a rassemblé une impressionnante collection de tapisseries hollandaises pour décorer ses palais et ses maisons de campagne.
La tapisserie a connu une renaissance au XIXe siècle, lorsque l’Anglais William Morris a produit des tapisseries modernes et innovantes, utilisant souvent des dessins et des motifs créés par des artistes contemporains. Les tapissiers continuent aujourd’hui encore à tester les limites de leur art, créant des œuvres d’art uniques avec des motifs et des dessins d’une complexité éblouissante.

L’Arazzeria Scassa, fondée par Ugo Scassa à Asti, est l’une des plus prestigieuses manufactures de tapisseries.
Située dans la Certosa di Valmanera, un ancien monastère médiéval de la ville d’Asti, dans le nord de l’Italie, elle s’est spécialisée au fil du temps dans le tissage de tapis-series sur des métiers à tisser du XVIIe siècle, en utilisant la technique traditionnelle de la haute lisse des grandes tapisseries du passé. Œuvres d’art et d’artisanat, elles témoignent d’un savoir élu, transmis de manière ininterrompue depuis deux générations.
Ugo Scassa, le fondateur de l’Arazzeria Scassa, fait ses débuts en 1956 en tant que co-fondateur de la galerie d’art « Il Prisma » à Turin. Ce lieu d’exposition accueille des artistes contemporains italiens et internationaux, tels que Lucio Fontana, Arnaldo Pomodoro et Asger Jorn. Lorsque la galerie devient la propriété exclusive de Ugo Scassa, il décide de déménager à Asti et renomme sa galerie « Italia Disegno ».

La galerie développe une activité d’édition de mobilier design et tapis. Avec le surplus de laine, il décide de créer des tapisseries.
Quelques années plus tard, « Italia Disegno » remporte le concours pour la décoration de la salle de bal du paquebot Leonardo Da Vinci, avec la réalisation de seize tapisseries, conçues par des artistes tels que Giuseppe Capogrossi, Giulio Turcato, Antonio Corpora, Giuseppe Santomaso, Olimpia Bernini, sans oublier six tapisseries réalisées par Corrado Cagli. Elles ont toutes étés tissées à Asti. Au fil du temps, d’autres aménagements de navires ont suivi tels que celui du Michelangelo ou du Raffaello. Il s’agissait de navires luxueux et rapides, équipés des toutes les dernières innovations en matière de design naval et de décoration intérieure, véritables symboles du Made in Italy.
En 1964, la société se transforme et prend le nom « Arazzeria Scassa ». Avec l’artiste Corrado Cagli en tant que directeur artistique, elle s’installe dans le Monastère Médiéval de la Certosa di Valmanera à Asti.
Au fil du temps, l’Arazzeria Scassa a produit des œuvres sur métier et collaboré avec des artistes tels que Carla Accardi, Fabrizio Clerici, Michelangelo Conte, Giorgio de Chirico, Piero Dorazio, Roberto Ercolini, Mario Giansone, Edoardo Giordano, Ezio Gribaudo, Costantino Guenzi, Beatrice Lazzari, Luigi Montanarini, Gastone Novelli, Giovanni Omiccioli, Achille Pace, Giuseppe Vittorio Parisi, Achille Perilli, Luigi Piciotti, Giuseppe Picone, Mimmo Rotella, Pietro Sadun, Antonio Sanfilippo, Antonio Scordia, Federico Spoltore, Emilio Tadini, Alessandro Trotti, Emilio Vedova, Antonino Virduzzo et Tono Zancanaro, ainsi qu’un grand nombre d’artistes internationaux majeurs, tels que Salvador Dali, Max Ernst, Vassily Kandinsky, Paul Klee, Henri Matisse, Joan Miró et l’architecte Renzo Piano.
Ces collaborations artistiques indiquent les hautes exigences esthétiques ainsi que les ressources techniques de l’Arazzeria Scassa mises au profit des artistes pendant plus d’un demi-siècle.
Au fil du temps, l’Arazzeria Scassa a présenté son travail lors d’importantes expositions internationales, notamment à Athènes, à Paris, à Göteborg, à New York au MOMA ou bien à l’exposition « The Italian Art of Living », organisée en 1992 sur Park Avenue. Parmi les tapisseries réalisées par l’Arazzeria Scassa, certaines sont aujourd’hui conservées au Salone del Trecento de l’Istituto Bancario San Paolo de Turin, dans les galeries pontificales du Vatican, au Sénat Italien, à la Cour d’Appel de Rome, au siège de la RAI de Turin, à la Fondation Wenner-Gren pour la recherche anthropologique de New York, au Musée d’art moderne de Rome…
Chacune de ces tapisseries est entièrement réalisée à la main sur des métiers à tisser de haute lisse, selon la technique traditionnelle des grands lissiers du passé, la plus prisée et la plus complexe : 500 heures de travail en moyenne sont nécessaires pour tisser un mètre carré de tapisserie. L’œuvre finale est le résultat d’un travail artisanal qui interprète et fusionne avec succès une technique séculaire avec les innovations stylistiques les plus impartiales de l’art figuratif moderne.
Parvenir à un rendu tisser en matière de peinture contemporaine, en particulier de peinture abstraite, représente un véritable défi.
En effet, des choix techniques spécifiques doivent être faits : les tapisseries ne sont pas réalisées selon la technique de la hachure, c’est-à-dire la juxtaposition de traits de couleurs différentes, mais en mélangeant des fils de couleurs et de nuances diffé-rentes dans le même passage, comme s’il s’agissait d’un seul fil. Ensuite, l’Arazzeria Scassa travaille à partir de l’avers et non de l’envers, comme c’est généralement le cas, ce qui permet aux tisserands une comparaison directe et immédiate entre le carton et la tapisserie.
Les connaissances d’Arazzeria Scassa dans l’art du tissage conduisent également à la production de tapis artistiques, noués à la main avec des nœuds Ghiordes, égale-ment connus sous le nom de nœuds « turcs », utilisés dans toute l’Anatolie, le Caucase et certaines parties de la Perse et de l’Afghanistan.
La production d’œuvres signées Arazzi Scassa est aujourd’hui l’une des plus importantes d’Europe, un véritable noyau fondateur de l’art contemporain, un point de référence pour l’histoire de l’art du XXe siècle et pour l’histoire du design.
Massimo Bilotta
Directeur de l’Arazzeria Scassa