Dans le cadre de la vente aux enchères d'Art Moderne et Contemporain organisée par PIASA le jeudi 3 juin 2021, la maison de vente propose aux collectionneurs une très belle pièce de l'artiste peintre français Hervé Télémaque.
Né en 1937 à Haïti, Hervé Télémaque, après avoir été étudiant à l'Art Student League de New York, s’installe à Paris en 1961. Il fréquente les surréalistes puis élabore un langage plastique proche du Pop art et de la Figuration narrative dont il devient un des représentants majeurs. Dans les œuvres de cette époque, Télémaque assemble des personnages issus de l’univers de la bande dessinée et du cartoon de Walt Disney, des objets de consommation divers (sous-vêtements féminins, ustensiles ménagers), à travers une mise en page glacée aux couleurs vives. Le climat de ces œuvres, mêlant humour cinglant et poésie, lui est tout à fait personnel. En 1968, le goût de Télémaque pour l’assemblage et le relief l’incite à incorporer directement des objets sur la toile, donnant lieu à des compositions qu’il reprendra ensuite dans ses peintures. Réalisé près de dix années plus tard, notre tableau, Corde à objet ; pour un clavecin (1979), est réalisé sous le signe plastique et iconographique de la selle de cheval. Cet objet fonctionnel qui retenait l’attention de Télémaque depuis une petite année, lui a inspiré des oeuvres aux associations visuelles et sémantiques étonnantes. Dans notre tableau, la selle, occupant la partie droite de la composition, est mise en relation avec une série d’éléments, sans lien apparent, et dont certains résistent parfois à toute tentative d’identification : on décèle ici une oreille percée d'une épingle à nourrice, là un fragment de corps féminin à la pose allusive, mais aussi un poids, un sceau renversé duquel se répand un liquide, un schéma d’utérus et d’autres fragments d’objets plus difficiles à décrypter.
Hervé Télémaque (né en 1937)
Corde à objets; pour un clavecin, 1979
Estimation : 40 000 - 60 000 €
La composition d’ensemble, prise dans une forme générale abstraite qui reprend la découpe d’un couvercle de clavecin, fait écho à la forme elliptique de la selle dans la répartition fluide et souple de ses composantes. Elle est organisée de manière à créer un sentiment de tension plastique fort entre deux pôles antagonistes, la selle d’un côté, et le corps féminin de l’autre, opposés dans leur répartition dans le plan qui laisse une part importante au vide. Corde à objet ; pour un clavecin (1979), par ces mises en connexion d’objets incongrus, renvoyant à l’idée de possession, évoquent des rencontres d’un genre particulier au sujet desquelles l’artiste, tout en cultivant un goût certain pour l’ambigüité, a fourni quelques pistes d’interprétations : « les selles m’intéressent parce qu’au fond c’est la même chose que les slips, les gaines que j’ai peints très longtemps, c’est une condensation du sexe. C’est une enveloppe qui s’inverse, la selle enveloppe le cheval. Dans le vaudou, le mot cheval est très important parce que les dieux vaudou chevauchent les possédés ; ça m’est venu de ce terme créole : on dit que le Loâ chevauche le pratiquant. » Télémaque fétichise ici la selle en lui conférant une charge émotionnelle, sexuelle et religieuse. Corde à objet ; pour un clavecin (1979) illustre parfaitement la manière dont la pensée de Télémaque s’articule, en mêlant impératifs plastiques, spéculations mentales, inconscient et imaginaire poétique.

L’œuvre de Télémaque connait aujourd’hui une reconnaissance internationale. En 2015, le Centre Pompidou (Paris) lui rendait hommage à travers une rétrospective remarquable. En 2018, le Museum of Modern Art de New York a acquis un tableau historique de l’artiste : Sans titre (The Ugly American) de 1964. Enfin, Télémaque bénéficiera prochainement de deux expositions monographiques, l’une à l'automne 2021 à la Serpentine Gallery à Londres sous le commissariat de Hans-Ulrich Obrist (intitulé Free, septembre 2021) et l’autre à Miami à l'ICA (Institute of Contemporary Art), fin 2022.