Birger Kaipiainen occupe une place singulière, presque à part dans l’histoire du design scandinave. Loin du fonctionnalisme épuré qui fait la renommée du style finlandais d’après-guerre, il choisit la voie de la nature, du rêve et de l’ornement. Ses céramiques évoquent un Art Nouveau revisité par une touche poétique, presque baroque.
Birger Kaipiainen étudie à l’école des Arts appliqués d’Helsinki avant de rejoindre, en 1937, la manufacture finlandaise de porcelaine Arabia, véritable laboratoire du design finlandais. Il lui sera fidèle pendant plus de cinquante ans, façonnant une œuvre singulière, à la croisée de l’art et de la décoration. Dans les années 1950, alors que le modernisme domine tous les champs de la création, il invente un langage profondément personnel où s’invitent, comme sortis d’un rêve boréal, formes organiques, surfaces émaillées d’un bleu profond, incrustations de perles, fruits et fleurs stylisés.
L’imaginaire contre la norme
Chez Kaipiainen, les plats et les panneaux muraux se couvrent de motifs d’oiseaux, de fleurs, de grappes et de fruits mystérieux, évoquant à la fois les icônes byzantines et les mosaïques vénitiennes.
À rebours de l’austérité moderniste, il revendique un art ornemental assumé, nourri par la Renaissance italienne qu'il adore. Pour Arabia, il produit des objets quotidiens - dont le fameux service The Paratiisi (le Paradis) réalisé en 1960 - ainsi que des sculptures souvent ornées de perles, qui deviennent sa signature.
Les trois plats présentés dans la vente estimés 5 000 / 7 000 € et 8 000 / 12 000 € illustrent parfaitement les choix stylistiques de l’artiste. Ils concentrent l’essence du style Kaipiainen : une composition presque mélodique, délicate, sans doute évidente pour ce passionné des Nocturnes de Chopin. Les tons profonds, souvent dominés par le bleu cobalt et le noir s’enrichissent de détails dorés, comme si la lumière nordique s’y reflétait par fragments.
Trente-sept ans après sa disparition, Birger Kaipiainen fascine encore par la profondeur de son œuvre. Sous le raffinement des émaux, on devine une forme de résistance poétique qui conteste peut-être la modernité. Ses céramiques, fragiles et intemporelles, rappellent que l’ornement n’est, finalement, peut être pas un crime.
