PIASA organise prochainement une vente dédiée aux dessins, tableaux anciens, mobilier et objets d'art. Cette vacation aura lieu le 21 septembre 2022 et présentera aux collectionneurs une importante cheminée en marbre noir de Sablé provenant de l'hôtel particulier du prince Georges Bibesco.
Georges Bibesco, Charles Le Cœur et Auguste Renoir
Georges Bibesco (1834-1902) était issu de l’une des familles les plus en vue de Roumanie. Son père, le prince Georges Démétere Bibesco, avait été élu prince à vie en 1843, avant d’abdiquer en 1848, à la suite de l’insurrection Roumaine. Le jeune prince, envoyé très tôt à Paris, avait eu pour précepteur Victor Duruy (1811-1894), ministre de l’Instruction publique sous le second Empire de 1863 à 1869, et grand ami de Charles le Cœur. Les deux hommes s’étaient rencontrés au château de Menars, chez la princesse Valentine de Caraman-Chimay (1839-1914) qui allait devenir la future femme du prince Georges Bibesco.
Charles Le Cœur, diplômé des Beaux-Arts de Paris en 1856, fut nommé architecte du gouvernement grâce à sa proximité avec Victor Duruy. A ce titre, il conçoit les principaux lycées de Paris tels que les lycées Condorcet ou Louis-le-Grand, ainsi que l’architecture du casino de Vichy.
À la fin des années 1860, une relation privilégiée s’établie entre Charles Le Cœur et Renoir grâce aux relations amicales qu’entretient le peintre avec sa famille. Charles Le Cœur devient un des premiers mécènes de Renoir, comme en atteste le portrait de l’architecte conservé au musée d’Orsay.
L’hôtel particulier du 22, Avenue de La Tour-Maubourg
En 1868, Le prince Georges Bibesco, lors d’un séjour en Algérie, commande un hôtel particulier à Charles Le Cœur. Le projet était « une habitation pour un grand seigneur célibataire, comprenant une place importante pour les appartements de réception ». Il inscrivit cette demeure dans la tradition des hôtels particuliers du XVIIIe siècle, teinté alors de « l’éclectisme » en vogue à la fin du XIXe siècle.
En 1869, le prince Georges Bibesco achète un terrain au 22, boulevard de la Tour Maubourg et le chantier commence en 1869. L’hôtel sera livré au début de l’année 1872.
Renoir fut associé dès le début du projet à ce chantier, en livrant des projets de plafonds dès 1868.
Unique collaboration de Renoir avec Le Cœur, l’artiste fut mis à contribution pour la grande salle d’escrime, que Georges Bibesco avait choisi de consacrer à l’évocation héraldique de sa famille. Le plafond, comme nous le montre une aquarelle de Charles Le Cœur conservée au musée d’Orsay, était peint avec toutes les armoiries familiales des Bibesco.
Le sujet, peint par Renoir, du manteau de notre cheminée fût le blason créé à la fin du XVIIe siècle par Constantin Bassaraba Brancovan que les turcs décapitèrent avec ses quatre fils en 1714 et qui était : « d’azur, au chevalier romain au naturel monté sur un cheval d’argent et tenant une épée d’argent qui supporte de sa pointe une tête de Maure, le tour terrassé de sinople ».
Ce sujet, dans une des pièces les plus importantes de l’hôtel particulier, exaltait les vertus chevaleresques tout en étant un portrait d’ancêtre, ainsi qu’un support héraldique. La cheminée est ainsi décorée avec les armes des Bibesco et le chiffre du prince, qui sont deux G entrelacées.
Renoir adoucit toutefois le sujet par la présence de deux nus féminins au premier plan, en s’inspirant de la décoration du salon de la guerre à Versailles décoré par Coysevox.
Cette pièce, par sa cheminée, son décor peint, et l’excellence des matériaux utilisés était le point culminant de cette salle d’armes, voulu par le prince lui-même.
L’hôtel sera agrandi après la guerre de 1870 par le prince Georges Bibesco, qui lui ajouta de nouvelles écuries en 1874. En 1875, son mariage avec la princesse Valentine de Caraman-Chimay, jeune divorcée allemande, fit scandale. Ostracisé par la haute société de l’époque, le prince Georges dut donner son hôtel à son frère ainé, le prince Grégoire Bibesco (1827-1886), père de la poète Anna de Noailles, qui naquit dans cet hôtel particulier en 1876.
L’hôtel fût finalement vendu en 1877 à la princesse Constantin Radziwill née Louise Blanc, richissime héritière d’Edmond blanc, fondateur de la société des bains de mer, et mère du prince Léon Radziwill.
Cette réalisation fût considérée par Le Cœur comme son meilleur projet privé, et la seule qu’il exposa au public dans une exposition à la société des Amis des arts de Pau en 1873.
De nos jours, l’immeuble a été détruit et remplacé par une construction contemporaine.
