Le mardi 21 décembre 2021, PIASA organise une vente entièrement dédiée aux éditions ; estampes, livres illustrés et autres oeuvres multiples. Lot phare de la vente, une sculpture de L’esclave mourant d’après Michel-Ange de Yves Klein sera présentée aux collectionneurs.
À une journaliste qui l’interrogeait sur le jour le plus heureux de sa vie, Yves Klein répondit: « S’il y a un événement précis qui m’ait vraiment rendu heureux, j’opterais pour cette réussite de capture de ce Bleu que je désirais unique au monde. ».
Il y a un peu plus de soixante ans, Yves Klein envoyait à l’Institut national de la propriété industrielle une enveloppe Soleau renfermant, la formule chimique de l’International Klein Blue (IKB). Un geste artistique, concluant une longue quête chromatique.
Cette prouesse technique doit beaucoup à Édouard Adam (1932-2015), marchand de couleurs dont la boutique parisienne fut un repaire pour les artistes de la deuxième moitié du 20e siècle. Le défi pour Klein est de taille. Il s’agit de préserver la profondeur du bleu outremer, son éclat surtout, en inventant une formule grâce à laquelle le pigment ne s’affadirait jamais.
Les débuts sont laborieux. Le pigment bleu perd invariablement son aspect velouté et son intensité une fois sec. La faute au liant nécessaire pour fixer la couleur. Klein et Adam essayent différentes formules - l’huile de lin, la colle de peau, la caséine - mais sans véritable succès.
« J’ai cherché un médium fixatif capable de fixer chaque grain de pigment entre eux, puis au support, sans qu’aucun d’eux ne soit altéré ni privé de ses possibilités autonomes de rayonnement, tout en faisant corps avec les autres et avec le support, créant ainsi la masse colorée, la surface picturale ».
A force d’acharnement, la formule idoine est enfin découverte. En combinant le pigment outre mer avec une résine de synthèse, la Rhodopas M60A, l’aspect originel de la couleur pure est préservée. En effet, cette résine qui joue aussi le rôle de fixateur possède une forte capacité de rétractation en séchant ce qui permet au pigment de ne pas être complètement encapsulé, de rester mat et duveteux - contrairement aux autres liants.
La première utilisation de l’IKB est celle des Monochromes. Plus tard, ce seront les objets, des éponges puis des réductions de sculptures que Klein trouve esthétiquement importantes: La Victoire de Samothrace , La Vénus d'Alexandrie, La Terre Bleue et enfin l'Esclave mourant de Michel-Ange.
C’est cette dernière pièce que nous présentons aujourd’hui. Créée en 1962, elle est la dernière sculpture de l’artiste, décédé prématurément quelques mois plus tôt. Icône de l’Art pour certains, énigme historique pour d’autres, la représentation de ce jeune homme fascine depuis sa création. De ses mains sensuelles, il effleure lentement les sangles qui entourent sa poitrine. Les boucles de ses cheveux si habilement travaillées répondent au bras replié au-dessus de sa tête et donne à cette figure un air d’éternité.
Rien de surprenant à ce que Klein reprenne cette image mythique et la magnifie – s’il en était besoin – en appliquant la couleur « immatérielle, ce bleu si parfait qu’il conduit au rêve et à la méditation ».
« Le bleu n’a pas de dimensions. Il est hors de dimensions, tandis que les autres couleurs, elles, en ont […] Toutes les couleurs amènent des associations d’idées concrètes, matérielles ou tangibles d’une manière psychologique, tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu’il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible. ».
