PIASA organise le mercredi 1er juin 2022 une vente d’art moderne et contemporain.
On trouve dans cette vacation quelques grandes figures défendues de longue date par PIASA, tel que le sculpteur grec Takis.
« Gai laboureur des champs magnétiques » comme l’a qualifié Marcel Duchamp, Takis a su marier, avec une remarquable créativité plastique, des formes sculpturales inédites avec les forces de la nature et les phénomènes scientifiques. Les aimants ont été son matériau privilégié lui permettant de réinventer les données de la sculpture, en défiant la gravité à laquelle se confronte l’artiste qui travaille avec des matériaux pesants.
Autodidacte, il a entamé son œuvre avec des représentations schématiques en fer forgé de figures humaines inspirées par l’art des Cyclades. Mais c’est à Paris, où il arrive au milieu des années cinquante, que son œuvre abstraite apparaît. Calder qui a associé le mouvement aux découpes métalliques abstraites et Giacometti avec ses figures verticales hiératiques vont représenter pour le jeune artiste des exemples à suivre et à dépasser.
Le monde industriel, celui des gares et des aéroports, va entraîner Takis (1925-2019), fasciné par ce spectacle, vers des formes dressées vers le ciel, les signaux. Il raconte dans son autobiographie Estafilades que « la gare était un grand centre ferroviaire. C’était une forêt de signaux ; des yeux de monstres s’allumaient et s’éteignaient, des rails, des tunnels, une jungle de fer. Nous avons chassé au désert les symboles sacrés et les avons remplacés par des yeux électriques ».
Les signaux, longilignes antennes métalliques prêtes à osciller au moindre mouvement, reçoivent à leur extrémité morceaux de ferraille, objets récupérés ou petites lumières clignotantes. Ils vont constituer le vocabulaire premier de Takis. En les rassemblant et les déployant en autant de bouquets métalliques, il restitue symboliquement le paysage urbain. Mais l’extension du travail sculptural de Takis va trouver un chemin inédit lorsqu’il associera un simple clou à un aimant en le maintenant en suspension : la première Télésculpture est née en 1959 et avec elle les innombrables inventions plastiques que Takis va désormais multiplier, se fondant sur cette énergie invisible.
Takis (Panayotis Vassilakis dit)
Signal aeolic, 1957
Estimation : 50 000 / 70 000 €
Il réalisera ainsi en 1960, une exposition performance L’impossible: un homme dans l’espace, le poète Sinclair Beiles proclamant son manifeste « I am a sculpture » tandis qu’il est suspendu dans le vide, retenu par des aimants. Murs magnétiques avec des éléments disposés en lévitation, retenus par la seule force des aimants ; sphères suspendues telles des pendules de Foucault mises en mouvement par les électro-aimants ; antigravités et festins magnétiques où le visiteur jette des clous sur des panneaux aimantés ou encore manipule la limaille de fer en créant de véritables fleurs de métal ; cadrans rassemblant des instruments de mesure dont les aiguilles s’affolent stimulées par le courant électrique : ces différentes familles d’œuvres d’une grande originalité visuelle ont en commun de faire appel aux champs magnétiques comme matériaux actifs.
Dans les années soixante, Takis expose à la galerie Iris Clert où il voisine avec Yves Klein, Jean Tinguely. Il rencontre aussi Soto, Pol Bury. Il est proche de Jean Jacques Lebel, des poètes de la Beat Generation. Un peu plus tard il rejoindra la galerie de son compatriote Alexandre Iolas où exposent plusieurs des grands surréalistes mais aussi Martial Raysse ou Niki de Saint Phalle. Takis est alors au cœur des avant gardes parisiennes. Il se rend également à New York où il rencontre Marcel Duchamp et est associé à la communauté intellectuelle de l’époque. Invité par le M.I.T., il y développe des recherches associant l’art et la science.
L’un des aspects les plus remarquables de la sculpture de Takis est d’y avoir intégré le son sous la forme d’espaces musicaux. Il évoquait déjà son rêve dans Estafilades : « si je pouvais avec un instrument comme le radar capter la musique de l’au-delà ». Takis concevra plusieurs installations musicales comme celles du Centre Pompidou en 1981, « 3 Totems – Espace musical », un théâtre de panneaux musicaux lors de son exposition au Palais de Tokyo, en 2015, qui a rassemblé dans des salles imposantes la plupart des aspects de sa sculpture…
En 1993 a lieu à Paris, à la galerie Nationale du Jeu de Paume, la plus grande rétrospective jamais organisée de ses sculptures. La même année il inaugure à Athènes un centre de recherche pour l’art et la science (K.E.T.E.) où ses œuvres sont exposées en permanence… Takis a installé ces dernières années de nombreuses œuvres dans l’espace public comme celles que l’on peut voir sur l’esplanade de La Défense ou à l’UNESCO… »
— Alfred Pacquement, Catalogue Art Hellénique, Vente PIASA, 3 juin 2015
