Le paravent réalisé par Pilipili Mulongoy, Bela et Raphaël Kalela est caractéristique de la deuxième période de l’art moderne congolais des années 1950. Au début des années 1940, Pierre Romain-Desfossés, attaché au bureau militaire du haut-commissariat de l’Afrique Équatoriale Française, quitte la France, puis rejoint Brazzaville pour établir un statut de protection de l’art et de l’artisanat indigène. Il s’intéresse à l’anthropologie et peint des fonds marins. Rapidement, naît en lui la volonté de faire vivre la création artistique locale, et il crée en 1946 un atelier d’art indigène qu’il appelle le « Hangar ».

Lot 610 - Pilipili Mulongoy (c. 1914-2007), Bela (c. 1920- c. 1968) et Raphaël Kalela
Sans titre, 1952
Estimation : 150 000 / 200 000 €
Il recrute alors ses « disciples » après leur avoir fait passer un test d’entrée. Selon leurs qualités, il les oriente vers la peinture sur chevalet, la plus prestigieuse, ou vers la peinture décorative ou publicitaire, également rémunératrices. Les laissant libres de s’épanouir et d’exprimer leur génie créatif, Romain-Desfossés montre ainsi qu’il existe en Afrique un art autre que le statuaire et les masques qui ont inspiré les peintres modernes en Occident. Les œuvres qui sortent du Hangar vont à l’encontre du conformisme et de l’histoire de l’art officielle, entendue et autocentrée.

L’objectif de Desfossés est de guider ses disciples, sans imposer les principes de l’art occidental. Au contraire, il les encourage au cours de promenades dans la brousse et lors de la visite du zoo d’Elisabethville, à s’inspirer de la nature qui les entoure. Bien qu’à l’encontre du conformisme, les réalisations du Hangar intéressent les milieux artistiques européens au point d’être présentées en Belgique, à Paris, à Rome, à Londres, au MoMA de New York et en Afrique du Sud.
A l’instar d’une fable de la Fontaine, sur un continent où prévaut la tradition orale, les volets du paravent réalisé à six mains racontent les rongeurs sur le sol, la végétation luxuriante, le vol des oiseaux, l’alternance des saisons, la vie et puis la mort.