L’art de Paul McCarthy depuis la fin des années 1960 défie tous les tabous et interdits à travers un humour tapageur et provocateur, aux connotations sexuelles et scatologiques délibérément grossières. Ses performances des débuts, apparentées au Body Art, aboutissent à la fin des années 1980 à des vidéos où l’artiste, dans des mises en scènes grotesques, apparaît affublé de masques de personnages « innocents » tels que Pinocchio, Blanche-Neige, le tout noyé dans du ketchup, de la mayonnaise ou autres liquides ignobles. Au-delà d’une volonté de provocation, la démarche McCarthy s’érige en réaction à la société du spectacle et au consumérisme aveugle de ses concitoyens : « Pour moi, Heidi ou les nains de Blanche-Neige sont juste des squelettes que j’utilise pour révéler ce qu’est la société. »
Souhaitant marquer une pause au début des années 1990, McCarthy se lance dans la réalisation de sculptures. Comme il l’explique, il souhaite travailler sur des formes aux « finitions fétichisantes », en s’intéressant à « Disney en tant qu’utopie, à Disney comme fabricant d’une sculpture parfaite. » (Christophe Kihm, interview de Paul McCarthy in « Paul McCarthy retrospective », Art Press, n° 336, juillet-août 2007, p. 36). La sculpture Tree, arbre gonflable de près de 25 mètres de haut qui ne resta que trois jours sur la place Vendôme à Paris, est particulièrement emblématique de cette tendance : là où des esprits innocents n’ont vu qu’un sapin de Noël stylisé, d’autres ont découvert l’existence de plugs anaux. On retrouve ces sex toys dans nombre de sculptures de petit format de McCarthy, associés de préférence à des figures naïves et bon enfant, comme ici celle du Père Noël (Santa sac, black, double head, 2 butt plugs, sac butt plug with stick, 2004-2006) à qui il consacra une place d’honneur dans l’exposition « Paul McCarthy et la Chocolaterie » à la Monnaie de Paris en 2014.
Lot 84 - Paul McCarthy (né en 1945)
Santa sac, black, double head, 2 butt plugs, sac butt plug with stick, 2004-2006
Uréthane, tuyau en laiton, époxy
Annoté sur le plug anal "Doc Johnson"
Pièce unique
28 x 16.5 x 24 cm
Comment McCarthy a-t-il eu l’idée d’intégrer ces objets à son répertoire artistique ? : « Quand j’étais étudiant, un jour, je ne sais pas trop comment, je me suis retrouvé avec un de ces objets entre les mains. Et tout de suite il m’a évoqué une sculpture moderne, de Jean Arp ou Brancusi. J’ai donc commencé à faire des pièces un peu gag avec ça. Plus tard, on m’a donné un Père Noël en porcelaine, et par hasard j’ai posé un plug sur le sapin, et ça collait parfaitement. Voilà, c’est juste une de ces coïncidences qui font réfléchir » (Paul McCarthy cité par Emmanuelle Lequeux in « Monnaie de Paris : Paul McCarthy et la chocolaterie », Le Monde, 24/10/2014). Par le truchement d’analogies formelles insolentes et pas forcément infondées, Paul McCarthy démontre ici que perversion et abstraction ne font donc pas toujours mauvais ménage.
