A l’occasion de sa prochaine vente dédiée à l’art moderne et contemporain le 6 décembre prochain, PIASA proposera aux enchères une sélection d’œuvres de grandes signatures du XX et XXIe provenant d’importantes collections privées européenne.
Le Nouveau Réalisme sera représenté entre autres par des œuvres majeures de César et d’Arman tandis que la Figuration narrative se distinguera avec un ensemble conséquent de tableaux d’Erro, Monory, Rancillac, Klasen, Schlosser, Télémaque et d’Adami, pour ne citer qu’eux. La scène abstraite française retiendra aussi l’attention avec notamment des réalisations de Geer van Velde, Bram van Velde et d’Olivier Debré. A cela s’ajoutent des œuvres historiques de Daniel Buren et de Jean Pierre Pincemin qui illustreront de manière très significative le courant de l’abstraction radicale. A noter également un tableau spectaculaire exécuté par Roberto Matta en 1977 et une toile de Robert Combas datée de 1986. Dans un dernier chapitre, l’art contemporain international attirera l’attention avec une sculpture de Paul Mc Carthy et une peinture exceptionnelle de Damien Hirst.
COLLECTION JEAN FERRERO : LE NOUVEAU RÉALISME ET L’ÉCOLE DE NICE
La vacation présente un ensemble important d’œuvres d’artistes appartenant au courant du Nouveau Réalisme et de l’École de Nice, provenant de la collection de Jean Ferrero, grand témoin de la vie artistique de la Côte d’Azur de la seconde moitié du XXe siècle. La célèbre série des « Compressions » de César fut initiée en 1960 après qu’il découvre fortuitement chez un ferrailleur de Gennevilliers une presse hydraulique américaine géante, capable d’engloutir la taille d’une voiture. Comme le montre notre Compression de pare-chocs (circa, 1960), le sculpteur a choisi les éléments en fonction de leurs propriétés intrinsèques : les formes s’enchevêtrent avec une volonté marquée de composition, de façon à déterminer un bloc parallélépipédique dans leur empilement. Le degré de compression des formes a été pensé de manière à valoriser la qualité réfléchissante du métal des pare-chocs. Lorsque César présenta au XVIe Salon de Mai, en 1960, ses premières « Compressions », le public cria au scandale. Plus averti, le critique d’art Pierre Restany y vit une rupture décisive dans l’histoire de la sculpture, évoquant « un nouveau stade du métal », soumis à « une réduction quintessentielle ». A ce titre, il invita César quelques mois plus tard à rejoindre le groupe des Nouveaux Réalistes qu’il avait constitué en octobre 1960 avec, entre autres, Yves Klein, Arman, Raymond Hains, Martial Raysse, Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle. Le critique d’art avait perçu chez ces artistes un point commun à leur travail, une méthode d’appropriation du réel qu’il assimilait à « un recyclage urbain, industriel et publicitaire » et qu’il rapprochait des ready made de Marcel Duchamp. Cependant, César tenait à distance l’indifférence visuelle du ready-made, puisque par le choix des matériaux, la maitrise du processus de compression, il réintroduisait la notion de créateur et témoignait d’une attention portée aux propriétés sculpturales de l’œuvre.
Lot 36 - César (César Baldaccini dit) (1921-1998)
Compression de pare-chocs, circa 1960
Métal compressé
Signé en bas à droite
55 x 40 x 41 cm
Pièce unique
Estimation : 90 000 / 110 000 €
LA FIGURATION NARRATIVE, D’UNE IMPORTANTE COLLECTION PRIVÉE EUROPÉENNE
Un important chapitre de la vente est consacré à la Figuration narrative. Provenant toute d’une même collection européenne, ces œuvres, très bien datées, forment un ensemble remarquable. Le courant de la figuration narrative est apparu à travers deux expositions organisées par le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot : « Mythologies quotidiennes », en 1964 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, et « La Figuration narrative dans l’art contemporain », en 1965, à la galerie Creuze.
Marquant un renouveau de la figuration, l’émergence de ce courant est à considérer comme une réaction à l’abstraction lyrique et à la froideur formaliste du Pop art américain, auquel ils opposent « la nécessité de rendre compte d’une réalité quotidienne de plus en plus complexe et riche. » (Gérald Gassiot-Talabot). Issus d’horizons assez distincts, les principaux protagonistes du mouvement sont Valerio Adami, Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo, Leonardo Cremonini, Erró, Gérard Fromanger, Peter Klasen, Jacques Monory, Bernard Rancillac, Antonio Recalcati, Peter Stämpfli et Hervé Télémaque. Au-delà de la diversité de leur langage plastique, ils ont en commun le report photographique, le traitement lisse et en aplats, des dessins simplifiés aux contours nets et précis inspirés des techniques de l’illustration, de la publicité et du cinéma. Si par l’ensemble de ces caractéristiques, les artistes de la figuration narrative ne sont a priori pas à l’opposé de ceux du Pop art américain, ils s’en démarquent cependant par le refus de toute neutralité idéologique et par l’introduction de l’anecdote et du temps dans la peinture. Ainsi, en 1967, Gérald Gassiot-Talabot définissait à l’occasion de l’exposition «Bande dessinée et Figuration narrative » présentée aux Arts décoratifs : «Est narrative toute œuvre plastique qui se réfère à une représentation figurée dans la durée, par son écriture et sa composition, sans qu’il y ait toujours à proprement parler de « récit ». En effet, leurs œuvres intègrent souvent une dimension temporelle dans les jeux de composition, les montages et les juxtapositions de scènes qui s’inspirent, chez Monory du cinéma, ou chez Erró et Rancillac, de la Bande dessinée. Il y a là, comme dit Télémaque, une certaine « urgence de l’expression » qui se manifeste à travers la recherche d’un impact visuel fort dans le traitement des formes.
Lot 53 - Bernard Rancillac (né en 1931)
Fin tragique d’un apôtre de l’Apartheid, 1966
Acrylique sur toile
Signée datée et titrée au dos
73 x 92 cm
Estimation : 40 000 / 60 000 €
ABSTRACTION RADICALE FRANÇAISE
Le mouvement radical français est représenté avec des pièces historiques, notamment une Peinture acrylique blanche sur tissu rayé blanc et bleu (1969) de Daniel Buren, ainsi que des toiles libres de Pincemin et d’André Valensi, chacune conservée jusqu’alors dans des collections particulières françaises. Daniel Buren est apparu sur le devant de la scène artistique à travers les manifestations publiques et souvent spectaculaires organisées entre janvier et septembre 1967 par le groupe BMPT (acronyme constitué des noms de Buren, Mosset, Parmentier, Toroni). Motivés par une même réflexion critique sur la peinture, les artistes de BMPT ont développé un vocabulaire formel élémentaire (rayures verticales, rayures horizontales, cercles noirs, empreintes de pinceau) dont l’exécution relève d’un geste mécanique et répétitif. Leur choix d’une intervention minimum et d’une parfaite neutralité procède d’une volonté de rompre avec l’illusion de l’art, de démystifier la peinture pour mieux en affirmer la présence pure et simple. Ainsi, les bandes de tissu rayé que Buren a commencé à utiliser vers 1965 sont devenues à partir de 1967 « l’outil visuel » (Buren) à partir duquel il légitimera toute sa conception de la peinture. Comme en témoigne Peinture acrylique blanche sur tissu rayé blanc et bleu (1969), le sujet montré correspond à la seule technique employée : il est constitué de rayures verticales blanches et bleues, de 8,7 cm de largeur, les deux bandes extrêmes blanches étant recouvertes de peinture blanche, au recto et au verso. Par cette « réduction du fait peint » (Buren), l’artiste interroge et développe la notion de peinture jusqu’aux limites mêmes de son fonctionnement. Dépossédant la peinture de toute charge émotive, Buren ne révèle rien d’autre que sa réalité matérielle.
Photo-souvenir : Peinture acrylique sur tissu rayé blanc et bleu, décembre 1969, 85,2 x 100,5 cm. © Daniel Buren/Adagp, Paris. Détail
Lot 26 - Daniel Buren (né en 1938)
Peinture acrylique blanche sur tissu rayé blanc et bleu, décembre 1969
Peinture acrylique blanche sur toile de coton tissé à rayures blanches et bleues, alternées et verticales de 8,7 cm de large chacune
85,2 × 100,5 cm
Un Avertissement (certificat) sera rédigé par Daniel Buren au nom du nouvel acquéreur
ROBERTO MATTA, LE DERNIER DES SURRÉALISTES
PIASA présente un tableau spectaculaire de Roberto Matta daté de 1977, artiste chilien connu pour son style unique qui se situe entre surréalisme et abstraction. Roberto Matta arrive à Paris à l’âge de 22 ans et très vite, il rencontre les grandes figures de l’avant-garde : il côtoie Le Corbusier, Picasso, Miro, Dali, puis rejoint le mouvement surréaliste d’André Breton. Il a alors l’honneur de participer en 1938 à l’Exposition international du surréalisme, où il fait la connaissance décisive de Marcel Duchamp. Après avoir passé les années de guerre aux USA, Matta continuera de travailler entre Rome, Paris et Londres. Se rapprochant du Parti communiste italien, il consacre ses vastes compositions des années 1950-1960 aux questions politiques de son temps, qui l’engageront dans tous les combats révolutionnaires. Lorsque sa peinture ne se confronte pas directement à la réalité sociale et historique de son époque, elle se situe hors du temps et s’avère très convaincante par son fort pouvoir métaphorique. Ainsi, Rooming life (1977), dont le format imposant est digne de la peinture d’histoire, présente une composition en mouvement, où des objets-signes vaguement anthropomorphiques cohabitent avec des éléments mécaniques selon un esprit proche du Grand Verre de Marcel Duchamp. Ce dernier, que Matta avait rencontré à New York en 1938, aura laissé une empreinte durable sur toute son œuvre. L’œuvre paraît soumise à une force rotative dans un espace unifié et flottant, dont la profondeur est donnée par leur mise en perspective, par le jeu des variations de couleur, les alternances de zones d’opacité et de transparence. Par ces espaces énigmatiques, Matta offre au spectateur d’autres formes de connaissance du monde, inaccessibles à nos capacités perceptives, et qui paraissent en incessante mutation. Ils sont, comme l’a relevé Édouard Glissant, comme « des préfigurations d’espaces sidéraux, des visions de ce monde auquel l’humanité conformera sa sensibilité quand elle en aura exploré dans l’imaginaire ou le réel, toutes les dimensions possibles » (Édouard Glissant, Le troisième œil, préface rédigée pour le catalogue de l’exposition « Matta », Centre culturel d’Issoire, 1987).
Lot 17 - Roberto Matta (1911-2002)
Rooming life, 1977
Huile sur toile Signée trois fois, datée, titrée et située au dos
198 x 296 cm
Estimation : 120 000 - 180 000 €
DAMIEN HIRST, LE PLUS CÉLÈBRE DES « YOUNG BRITISH ARTISTS »
On ne présente plus Damien Hirst qui a été révélé au grand public par le publicitaire et collectionneur Charles Saatchi dans les années 1990. Sa fascination pour la mort, qui remonte aux années où il travaillait dans une morgue pour financer ses études, s’exprime dans son œuvre par la place majeure qu’il accorde aux thèmes des Memento mori et des Vanitas vanitatum. Hirst dialogue avec la mort sur un ton qui oscille entre l’humour, le sulfureux, l’outrancier, l’irrévérencieux, que l’on songe aux célèbres découpes de vaches conservées dans des grandes vitrines remplies de formol (les premières datant des années 1990), ou bien encore à For the Love of God (2008), copie en platine d’un crâne humain datant du XVIIIe siècle, recouverte de 8 601 diamants, vendue 100 millions de dollars.
Hirst a notamment exploré la rhétorique des Memento mori à travers la série des « Beautiful mars cathexis painting », dans laquelle le motif du crâne surgit au centre d’une véritable explosion chromatique. L’artiste recourt au spin painting, procédé pictural qui utilise la force centrifuge pour répartir la peinture sur son support. En employant cette technique, il confère une dimension performative à l’œuvre, puisque la répartition des couleurs est livrée au hasard (faut-il y voir un clin d’œil au dripping de Pollock ?). Il apprécie également ce procédé pour son caractère neutre, où toute expression de la subjectivité de l’artiste est bannie. Ainsi, Damien Hirst a eu un grand plaisir à partager l’exécution de ses spin paintings avec des proches, de David Bowie aux enfants dans les écoles : « J’aime faire des spin paintings avec les enfants. J’ai une machine à spin que j’ai amené à l’école de mes enfants pour que tout le monde puisse en profiter. Le plaisir qu’ils ont de participer à la création d’une œuvre d’art les valorise, tandis que le fait de participer à l’élaboration d’un tableau dont ils ignorent le résultat final est très étonnant. Ils immortalisent un sentiment, ils ressentent une palette d’émotions, un bonheur fugace et coloré qui laissent comme des traces dans le temps, comme des empreintes de pas dans la neige.» (Damien Hirst) Avec Beautiful Apocatequil narcissism painting (2012), Hirst explore avec une grande dextérité la technique du spin painting : il joue du contraste existant entre l’explosion débridée de la peinture et le caractère morbide, voir menaçant, du crâne. Tout en ayant valeur d’exorcisme, cette réalisation rappelle, sur fond coloré et joyeux, que la mort rôde derrière toute beauté.
Lot 85 - Damien Hirst (né en 1965)
Beautiful Apocatequil narcissism painting, 2012
Technique mixte sur toile
Signée doublement, porte le cachet de l’artiste, datée et titrée au dos
Pièce unique
213 x 213 cm
Estimation : 500 000 - 700 000 €




