Formé aux académies libres de Montmartre, Marcel Gromaire a très tôt élaboré un style figuratif auquel il restera fidèle durant toute sa carrière : des formes réduites à l’essentiel, sculpturales et puissantes, une gamme chromatique souvent limitée à des couleurs terreuses, soulignées par un puissant cerne noir.
Dès les années 1920, Gromaire connaît le succès, notamment avec ses peintures qui renvoient aux épisodes douloureux de la Première Guerre mondiale pour laquelle il avait combattu. Gromaire bénéficie également du soutien de collectionneurs importants, comme celui du Docteur Maurice Girardin qui fera un legs à la Ville de Paris (Musée Municipal d’Art Moderne) d’une centaine de ses œuvres.

Marcel Gromaire
« Paris, la Cité » (1956)
Datant des années de l’après-guerre, la série des toiles parisiennes de Gromaire témoignent d’une volonté de retour aux sources. En effet, l’artiste, après avoir passé quelques temps aux Etats-Unis (où il est nommé lauréat du Prix Carnegie en 1952), de retour à Paris, peindra de nombreux haut-lieux de la capitale, comme en témoigne notre tableau « Paris, la Cité » (1956) qui représente une vue de l’ile la Cité et plus particulièrement la Cathédrale Notre Dame de Paris, tandis qu’ au loin émerge le Sacré Cœur. Le style de Gromaire épouse parfaitement la monumentalité de l’art gothique. Sous son pinceau, la Cathédrale est restituée dans toute sa grandeur : l’artiste a privilégié une vue de sa façade, et l’on perçoit à l’arrière-plan les arcs boutants et les autres éléments de son architecture (flèches, transept, rosaces…). L’ensemble donne lieu à un puissant jeu graphique de lignes, de courbes et de contre-courbes, auxquels répondent les arcs des ponts qui ponctuent de leurs puissantes piles l’ensemble de la composition. La palette, à dominante brune, est égayée comme souvent dans les œuvres de cette époque par des dégradés de bleu et par quelques touches de vert.
Dans la préface du catalogue de l’exposition qui s’était tenue au Musée national d'art moderne en 1963, Jean Cassou avait résumé le talent pictural de Gromaire en ces termes : « Tout, dans l’art de Gromaire, concourt à donner à cette réalité une telle intensité de présence que celle-ci en devient hallucinatoire. Ses objets et ses personnages trapus ont vite fait de s’accroître jusqu’à la monumentalité, et tout a été fait pour que toute chose prenne ainsi sa stature et son déploiement. Son agencement aussi, car s’il y a du monument dans les peintures de Gromaire il y a également de la machine et une robuste organisation d’éléments distincts, chacun saturé de sa couleur, gonflé de son volume, porté à l’extrême de son énergie » (1963).