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Jean Hélion : de l'abstrait au figuratif

20 mai 2019

Le peintre Jean Hélion a affirmé sa singularité par un parcours qui s’est fait à rebours. En effet, il compte, avec Philip Guston, parmi les rares artistes à être passés de l’abstraction la plus radicale à la figuration. Ayant pleinement conscience du caractère blasphématoire de cette évolution, qui suscita chez nombre de ses amis incompréhension et trahison, Hélion a d’ailleurs peint en 1939 Figure tombée, œuvre charnière qui incarne à la fois l'aboutissement de la période abstraite et son passage à la figuration.

Devenant pleinement figuratif en 1943, Hélion a développé dans sa peinture « une métaphysique de la contemporanéité » (Alain Jouffroy), mettant en scène un nouveau monde inspiré d’imageries de la vie quotidienne, tels que des couples, des chapeaux, des lecteurs de journaux, des mannequins, mais aussi des baguettes, des citrouilles, des têtes de mort, des lapins écorchés, des femmes nues et des gisants du Moyen Âge. Quand ce n’est pas dans l’espace clos de l’atelier, ces divers éléments sont souvent associés dans un cadre inspiré de l’univers de la ville, qu’il s’agisse des sorties de métro, des jardins publics, des boutiques, ou, à l’exemple de notre tableau, Mannequinerie en solde (1978), des étalages du marché aux puces.

Jean Hélion (1904-1987)
Mannequinerie en solde, 1978
Résultat : 58 500 €

Comme on le voit, il s’agit plus de créer un decorum qu’une reconstitution réaliste : nous avons ici une sorte de couple présenté, comme souvent chez Hélion, dans un jeu d’opposition et de complémentarité. L’homme est vu de face, et la femme, dépourvue de tête et coiffée d’un parapluie, de dos. Ils évoquent, par leur pose figée et leur gestualité mécanique, davantage des mannequins que des figures humaines. Leur caractère énigmatique est renforcé par la présence, dans la partie inférieure de la composition, d’une vanité constituée d’un tambour et d’un crâne ouvert. Celle-ci renvoie directement à un tableau de l’artiste peint en 1969, Vanité du 14 juillet, à la manière d’un jeu de citations récurrent chez lui.

Mannequinerie en solde appartient à une période où le style d’Hélion gagne en liberté et audace. Le rythme général des figures, fort et souple, est renforcé par l’usage du cerne. La composition, baignée dans une tonalité générale vive, ocreorangée, entre en contraste avec la plage de gris centrale, tandis que de nombreux contrepoints colorés (touches de bleu, vert, violet, orange) accentuent le caractère irréaliste de la scène : « ce n’est pas le réel qui est coloré ; c’est ma vision 1 » déclarait l’artiste. Effectivement, les orchestrations plastiques d’Hélion, nourries de scènes de la vie ordinaire mais marquant l’intrusion de l’imaginaire dans le réel, dépeignent un monde à la fois absurde et poétique qui n’est pas sans faire écho à l’univers d’un Jacques Tati ou d’un Raymond Queneau. 1 Jean Hélion cité par Henri-Claude Cousseau, 

"Jean Hélion", Editions Du Regard, Paris, 1992, p. 195

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