PIASA organise le mercredi 1er juin une vente d’art moderne et contemporain.
Composée de 42 lots, cette vacation proposant des œuvres d’artistes internationaux relativement rares sur le marché français, à l'image de Danh Võ avec une sculpture monumentale en cuivre martelé.
We The People, de Danh Võ (2011-2013), une dynamique draperie de cuivre, est à la fois monumentale et énigmatique. Faisant partie du très ambitieux projet We The People, elle constitue une puissante enquête sur les fractures du moi, de l'appartenance et de l'identité : pendant deux ans, Võ a recréé l'intégralité de la statue de la Liberté, longue de 93 mètres, à l'aide de feuilles de cuivre pas plus épaisses que deux sous. Plutôt que d'assembler ses éléments constitutifs en un tout, l'artiste a dispersé les 267 sections autour du globe.
Danh VÕ (né en 1975)
We The People (Détail), 2011-2016
Estimation : 80 000 / 120 000 €
L'œuvre présentée est une section de la robe située sous le bras droit levé de la statue ; d'autres éléments ont voyagé dans de grandes expositions, comme celle de 2014 au City Hall Park et au Brooklyn Bridge Park, à New York, et sont conservés dans des collections publiques, notamment au Kunsthaus Zürich. Les idéaux américains de Lady Liberty, qui accueille les arrivants à New York depuis 1886, sont disjoints et dispersés ; la rencontre grandeur nature avec ses robes fluides dans la présente œuvre est à la fois abstraite et curieusement intime. Fragment dramatique frappant, ses plis puissants et cinétiques font autant écho à la sculpture minimaliste qu'à un colosse antique en ruine.
Võ soulève des questions stimulantes sur l'idéalisme et la nation, alors qu'un édifice de la démocratie est brisé et exposé au monde entier. Un siècle après que Frédéric-Auguste Bartholdi ait commencé la construction de la Statue de la Liberté dans les années 1870, la famille de Võ a quitté le Sud-Vietnam pour les États-Unis. Il avait quatre ans. Leur bateau a été intercepté en mer par un porte-conteneurs danois, et en 1979, ils se sont installés au Danemark, où l'artiste a grandi.
Le traitement de la statue par Võ est donc le fruit d'une expérience complexe qui se reflète dans la fabrication de l'œuvre : si sa lueur d'aspiration fait écho à la tentative de sa propre famille de rejoindre les États-Unis, We The People complique également une histoire déjà complexe.
Comme dans une grande partie de l'œuvre de l'artiste, qui utilise souvent des objets achetés et des artefacts familiaux à forte connotation historique, la biographie personnelle se mêle à l'histoire mondiale. La statue originale de Bartholdi était un cadeau de la France aux États-Unis après leur victoire dans la guerre de Sécession. La version de Võ a été financée par sa galerie française Chantal Crousel, fabriquée à Shanghai et expédiée dans le monde entier. À l'ère des économies mondiales et des récits mobiles, il nous reste à assembler nous mêmes les pièces du puzzle.
