La maison PIASA organise le mercredi 8 décembre une vente d’art moderne et contemporain. Composée de 47 lots, cette vacation s’articule autour d’une sélection très exigeante d’œuvres, produites entre la fin des années 1950 et nos jours. L'une des pièces phares de la vente est une aquarelle et pastel à l’huile sur soie de l’artiste Sam Szafran qui s’appuie sur la figure de sa femme, Lilette, ici posant « parmi les philodendrons ».
Depuis le début de la Renaissance, l’art et la pensée se préoccupent successivement de la nature des choses, puis des sensations, enfin des idées. C’est la réalisation de la réalité extérieure qui motive toute l’œuvre de Sam Szafran, (1934-2019). On retrouve cet acharnement créateur dans les diverses séries qu’il a décliné : Ateliers, Serres, Portraits, Escaliers, Plantes. Il y a là une forme d’engagement métaphysique qui le pousse irrémédiablement vers l’absolu et lui permet de peindre toujours le même sujet sans l’épuiser. Il ne cherche pas à créer des œuvres d’art, mais à démontrer que la création demeure une démarche ouverte. Son espace est celui de la méditation, celui de la vie intime, un microcosme où même la silhouette de Lilette, sa femme, disparaît presque dans la profusion de feuillages qui imposent leurs larges feuilles comme une cascade végétale dont les racines retombent en cordeaux serrés.
Serre oppressante, bouillon de culture, milieu irrespirable où s’exprime une nature végétale en perpétuelle croissance. On bascule dans un monde de déformation anamorphique. On est pris du vertige du non-sens par le réalisme d’une image qui ne s’oppose pas aux commentaires subjectifs du sujet traité. Il semble bien que Lilette parmi les philodendrons, soit une des œuvres les plus mystérieuse et les plus aboutie de cette série. Il y a de la part de Sam Szafran comme une urgence, une envie de mener son œuvre jusqu’au tréfonds des choses, tout en sachant que les choses n’ont pas de fond. Cet impérieux besoin l’oblige à chercher dans l’espoir d’atteindre l’inatteignable. Image d’un subconscient à la fois apaisé et tragique qui s’inscrit dans la lumière glacée d’un jour qui ne varie pas, toujours égal, lucide et froid comme la conscience. Unité de vue qui se surajoute au foisonnement du visible, à la régulation du regard, à la pullulation de l’organisme, à la photosynthèse de la matière, de l’organique et du spirituel. Le corps entre en résonance avec le monde par le truchement de l’œuvre qui permet cet accord et l'entretien. Il n’y a œuvre que là où il y a mise en résonance d’un sens avec le monde. Isolées, répétées, déclinées, les Serres-ateliers dans leur banalité prennent un aspect étrange, inquiétant, obsédant. On s’inquiète de cette faculté à faire surgir le magique et l’angoissant à partir du quotidien
Sam Szafran (1934-2019)
Lilette parmi les philodendrons, 2009
Estimation : 150 000 / 200 000 €
C’est par l’extraordinaire et inhabituel mariage de la peinture à l’eau et du volatil pigment, que s’affirme une impression de saturation où l’errance est somptueusement transfigurée. Sensibilité d’écorché vif, sentiment de démesure, menace d’infini, fascination de l’instabilité de l’espace, cette œuvre Lilette parmi les philodendrons, par son traitement, la précision de son dessin, l’enroulement des racines, l’expansionnisme de la croissance comme surpopulation végétale carnivore issue du même tronc, nous plonge par ses précisions même, dans les affres de l’irréalisme et la menace de l’étranglement. Arbre dévoreur d’espace dominant de toute son ampleur la frêle silhouette féminine, calme et sereine, qui sait sans doute que le Philodendron était chez les grecs un Arbre-Ami.
