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Antonio Seguí et la nouvelle figuration

22 mai 2019

Depuis 1962, Antonio Seguí accorde dans sa peinture une place prédominante à la figure, prenant ainsi ses distances avec l’art abstrait et se ralliant dès lors au mouvement naissant de la Nouvelle Figuration. Argentin d’origine, il s’installe définitivement à Paris en 1963, et son travail est révélé lors de la Biennale de Paris de la même année. Dès la période des années 1960-1970, ses tableaux, très engagés politiquement, dénoncent le pouvoir oppressant de l’armée et du clergé en Argentine. À partir de la fin des années 1970, Seguí fonctionne dans sa peinture par séries, avec une constante : la présence d’« El Señor Gustavo », personnage vêtu d’un costume sombre et coiffé d’un chapeau. Incarnant la figure du « concierge paranoïaque » de la cité, il est celui qui traverse d’un bout à l’autre la toile, et dont le regard soupçonneux épie tout ce qui se passe. Dans les paysages urbains de Seguí, où les personnages (à majorité masculine), les immeubles colorés et les avions cohabitent sans rapport d’échelle, il y a un foisonnement et une agitation énigmatique qui suscitent chez le spectateur un sentiment mêlé d’amusement et d’interrogation. En effet, derrière un climat en apparence sympathique et ludique, qui tient à l’usage d’un vocabulaire faussement naïf, se cache la vision critique et acerbe de l’artiste. Cela est perceptible dans El Jefe de 1978 (lot 108), tableau dominé par la présence d’un homme en smoking (incarnation supposée de la figure du chef), et dont l’acolyte serait un homme d’un genre moins recommandable, peint à l’arrière-plan, à l’attitude défiante. Quant au tableau Una ilusion pasajera (lot 107), il fut exécuté en 1984, soit juste après la chute de la dictature en Argentine, à une période où Seguí, après des années d’exil forcé, peut enfin retourner dans son pays natal, alors ravagé par le drame des « desaparecidos » (personnes victimes de disparitions forcées, et tuées par la dictature militaire).

Lot 107 - Antonio Segui (né en 1934) Una ilusion pasajera, 7.2.1984


Il n’y a cependant pas derrière chaque tableau de Seguí, qui de son propre aveu « a horreur de parler de son travail », un discours explicite. C’est un regard sur le monde qu’il nous propose, et sur nous-même également, si l’on en croit Daniel Abadie : « Il faut suivre Seguí dans le long périple de ses séries pour apprendre à voir, à l’intérieur du bocal de ses toiles, s’agiter sans espoir d’en sortit les figurants de notre monde. Que ceux-ci, d’évidence, nous tiennent à l’œil ou nous ignorent délibérément en nous tournant le dos, tous nous rappellent que seule la mince pellicule de la peinture sépare leur monde de celui où, à notre tour, nous nous agitons en tous sens à l’intérieur du bocal ». (D. Abadie, « Antonio Seguí », Hazan, Paris, 2010, p. 170).

Antonio Segui (né en 1934) El Jefe, 1978

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Art Moderne et Contemporain

Paris mercredi 22 mai 19:00 Voir les lots

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