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De l'ancienne collection de Garrick C. Stephenson

24 juin 2019

“Ce qui tape dans l’oeil” : voici la formule choisie par Garrick Stephenson pour expliquer ses acquisitions d’objets du XXème siècle.

Gary, comme l’appelaient ses amis, ouvre sa galerie en 1959 sur la 57ème rue à New York, quand le mobilier européen des XVIIIème et XIXème siècles fait alors fureur. Son goût avant-gardiste se distingue des standards du bon goût de l’époque. Naturellement, les grands collectionneurs et faiseurs de tendance tels que Babe Paley, Bunny Mellon, Michel David-Weill, et Jayne Wrightsman poussaient régulièrement la porte de sa galerie.

En 1993, Gary quitte le marché de l’art et confie à une maison de ventes la dispersion de sa collection. Pour confirmer cette rupture, Gary décide de vendre son appartement désormais vide, et d’en acheter un autre sur la 5ème avenue, donnant sur Central Park. Ce geste, radical, étonna bien sûr ses anciens clients et collègues et marqua le début d’une nouvelle aventure : la création de sa collection de design du XXème siècle.


Lot 12 - Jean Michel Frank (1895-1941)
Patelle
Suspension
Plâtre
Date de création : 1936
H 50 × Ø 50 cm
Résulat : 93 600€

A partir de ce jour et pendant plus de vingt ans, Gary devient un acheteur passionné, voyage partout dans le monde et plusieurs fois à Paris. Dans la capitale, il séjourne au Bristol et dîne au Voltaire avec son vieil ami et collègue Jean-Marie Rossi, le très célèbre antiquaire, avec lequel il avait acheté des meubles de l'Ancien Régime tout comme une peinture de Roy Lichtenstein. Pendant des années, Gary a parsemé ses découvertes entre ses différentes maisons, villas, refuges : sur la 5ème Avenue, à Southampton, Palm Beach ou Mendocino. Ces achats ne prirent fin qu’au jour de son décès en 2007, à l’âge de 80 ans.

Comme tout grand collectionneur, Gary échappe à toute tentative d’explication biographique. Il est néanmoins intéressant de savoir qu’il est né en 1927 et est originaire de Cincinnati dans l’Ohio. Sa mère n’était pas particulièrement attirée par le monde de l’art, contrairement à son père. Mais c’est grâce à son grand-père, partenaire-financier de Proctor & Gamble au tournant du siècle, que Gary a pu mettre son fabuleux oeil au service sa collection.

Grand, blond aux yeux bleus, Gary arrive en 1949 après avoir servi dans la Marine et avoir étudié à Yale. Il s’inscrit à la très célèbre école de design Parson, alors dirigée par Van Day Truex et dont l’un des professeurs les plus célèbres, Albert Hadley, le repère et l’engage pour travailler aux côtés de Sister Parish à l’agence Parish-Hadley.


Lot 16 - Diego Giacometti (1902-1985)
Chat Maître d’Hôtel
Bronze à patine brune et verte
Signé ‘Diego’ sur la terrasse
Date de création : vers 1961
H 30 × L 10 × P 26 cm
Résultat : 182 000 €


Gary devint plus tard décorateur chez McMillen, l’entreprise créée par Eleanor Brown en 1924. Celle-ci laisse Gary s’occuper de l’architecture intérieure de la maison d’un de ses clients les plus important, le Prince Ivan Obolensky et de sa femme Claire, issue d’une importante famille de San Francisco. Claire et Gary tombèrent immédiatement amoureux l’un de l’autre et ne se quittèrent plus.

Mon histoire avec Gary débute en 1994 quand je devins marchand d’art. Il me fut présenté par son décorateur de l’époque, David Kleinberg star de l’agence Parish-Hadley. Il était plutôt inhabituel qu’un décorateur en engage un autre pour travailler sur son propre intérieur. Cette anecdote révèle la profonde ouverture d’esprit de Gary, sa capacité d’écoute, son envie d’élargir ses horizons.


Miroir aux Alouettes - Line Vautrin

Line Vautrin (1913-1997)
Aux Alouettes
Résultat : 32500 €

Lors de notre première rencontre, Gary m’a invité à boire des cocktails dans son nouvel appartement. J’étais ébloui par la décoration et par sa collection. Sa femme, Claire, à l'orée de ses soixante dix ans, était toujours d’une grande beauté. Son don au Metropolitan Museum’s Costume Institute des créations des couturiers américains Charles James ou Halston était récent. Habillée ensuite par Armani, ses robes se mariaient parfaitement aux lignes strictes des meubles de Jean-Michel Frank, Jacques Quinet ou Marc du Plantier, qui forment le socle des achats du couple. Ensemble, ils partageaient la même acuité, la même sensibilité. Gary demandait souvent à Claire de placer les objets quand ils leur étaient livrés: ainsi, les pièces de Serge Roche, d’Alexandre Noll ou de Line Vautrin s'immisçaient doucement dans leur quotidien. Certains prirent place dans la chambre de leur fille, Christina, qui a reçu leur passion en héritage. Ainsi, le poétique “Miroir aux alouettes” créé par Line Vautrin  décorait un des murs de sa chambre, et l’a suivi partout au gré de ses déplacements.


Lot 17 - Manuel Alvarez Bravo (1902-2002)
La Belle réputation endormie
Epreuve aux sels d’argent
Date de prise de vue : 1939
Tirage postérieur : vers 1970
Epreuve : 26,5 × 35 cm
Cadre : 42,3 × 51 cm
Résultat : 5200 €

Dans les années qui suivirent ces premiers cocktails, j’ai souvent dîné avec les Stephenson à New York, ou même séjourné dans leurs maisons à Southampton et Palm Beach. Nos conversations au restaurant, au bord de la piscine et dans chacun de leur neuf clubs privés (oui, neuf) nous entrainaient toujours vers une réflexion passionnée sur les arts décoratifs, l’histoire du goût ou la sociologie des objets. La simple évocation de quelques personnages célèbres du monde du design et du grand style ravivait de bons souvenirs, une histoire caustique, drôle, révélateurs d’un grand et bel esprit.

“Ce qui tape dans l’oeil”, une jolie formule, Gary et Claire m’ont, grâce à leur affection, subtilement, sans que je ne m’en aperçoive, véritablement ouvert les yeux !

Louis Bofferding, 2019

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Paris mercredi 26 juin 18:00 Voir les lots

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