Mercredi 30 mai, PIASA présentera une vente exceptionnelle de photographies, réunissant de grands noms du sixième art tels que Robert Mapplethorpe, Louise Lawler, ou Andres Serrano ; seront également proposés à la vente deux oeuvres en technique mixte de Peter Beard, estompant la frontière entre arts plastiques et photographie dans le style inimitable de l’artiste.
Peter Beard (né en 1938), à l’image de ses photographies, est un parangon de la démesure - son ami, voisin, modèle et collaborateur Andy Warhol disait de lui qu’il était “l’un des hommes les plus fascinants du monde… Il est un Tarzan moderne”. Issu d’une grande famille d’industriels américains, son parcours se détourne très rapidement des sentiers battus que lui réservait une éducation à Yale. Attiré très tôt par les étendues sauvages de l’Afrique, il y découvre d’abord un paradis tel qu’il l’a imaginé dans les écrits de Hemingway et de Karen Blixen, avant de se trouver plongé dans l’enfer que vit la faune du Kenya. Il photographie la destruction de 35 000 éléphants, série qui servira de fondement à son ouvrage majeur, ‘La fin d’un monde’, dans lequel il témoigne des souffrances que subissent les grands mammifères d’Afrique. Le combat de toute sa vie sera de les protéger, prônant le contrôle de la population animale par la chasse afin d’éviter la famine et les maladies dans les réserves sans cesse réduites. Ses oeuvres et collages reflètent son engagement, dépeignant des carcasses de pachydermes photographiées du ciel, annotées d’une écriture hiéroglyphique et décorées de sang - celui d’animaux blessés, le sien, ou même un jour celui d’Ava Gardner - dévoilant la brutalité qui se cache derrière le ‘dernier écho du paradis’ qu’est l’Afrique de l’Est. Ses clichés sont publiés accompagnés de la Lettre à l’éléphant de Romain Gary, l’auteur des Racines du ciel, dont le héros, Morel, obsessionnel de la défense des éléphants, n’est pas sans rappeler Beard.
"C’est ainsi, Monsieur et cher éléphant, que nous nous trouvons, vous et moi, sur le même bateau, poussé vers l’oubli par le même vent puissant du rationalisme absolu. Dans une société, vraiment matérialiste et réaliste, poètes, écrivains, artistes, rêveurs et éléphants ne sont plus que des gêneurs."
Beard ne s’est jamais départi de son amour pour la faune Africaine, malgré ses nombreux déboires de traqueur et de chasseur. En 1996, un éléphant en furie le charge, lui brisant le pelvis et les côtes, transperçant sa cuisse de ses défenses. Quelques mois plus tard, il expose un collage de photos d’éléphants avec les tubes de morphine qui lui ont sauvé la vie.
Plus jeune encore, il traque un braconnier sur les terres de son campement Kenyan, libère une antilope de son piège à machoire et y jette le braconnier ; pour cela, il échappera de peu, grâce à ses relations, à une peine de dix-huit mois et 12 coups de canne.
La vie de Peter Beard se lit comme un who’s-who de son siècle - partagée entre l’Afrique sauvage et les mondanités occidentales, elle le conduira à tisser des amitiés profondes avec des artistes, des écrivains, et des personnalités flamboyantes. Il photographie une tournée des Rolling Stones pour un reportage avec Truman Capote, passe ses vacances sur le bateau d’Aristote Onassis avec Jackie O. Kennedy, construit des collages avec Andy Warhol ; Salvador Dali se prend d’affection pour lui, persuadé que Beard est véritablement son frère décédé. Ses photos montrent l’informalité de son rapport à ses modèles - la première oeuvre du photographe mise en vente par PIASA, “Cousin Jérôme Hill et Brigitte Bardot à la Batterie, Cassis” représente BB au naturel, en vacances ; elle sera l’une des nombreuses muses de Beard tout au long de sa vie.
Lot 70 - Peter Beard (né en 1938)
Cousin Jérôme Hill et Brigitte Bardot à la Batterie, Cassis, 1959-2008
L’une des influences les plus remarquables du photographe fut l’artiste Francis Bacon, qu’il rencontra à Londres. Fasciné par l’ouvrage ‘The End of the Game’, il laissa Beard photographier ses tableaux inachevés, les polaroïds lui procurant un oeil nouveau sur chaque oeuvre.
Bacon peignit plusieurs portraits de Peter Beard entre 1975 et 1978 ; l’un d’entre eux représente Beard le crâne rasé, fraîchement libéré de la prison de Nairobi ; d’autres sont des triptyques ou des portraits seuls. Parmi eux, l’étude reproduite aux côtés d’une photographie d’un morane Masai dans le lot 71 de la vente.
Lot 71 - Peter Beard (né en 1938)
Portrait de Peter Beard par Francis Bacon
Cette oeuvre évoque admirablement la vie de Beard, partagée entre sa passion pour l’art et les artistes tels que Bacon et celle qu’il porte au continent africain ; la vie d’un homme plus grand que nature, dont les récits sont dignes de la plume de Kessel, de Hemingway ou de Gary.

