PIASA aura l’honneur, le mercredi 6 décembre, de proposer à la vente une toile d’Eugène Delacroix au cours de la vente Tableaux et dessins anciens. Conservée depuis plus de cinquante ans dans une collection privée, ce travail préparatoire au plafond de la bibliothèque du Palais du Luxembourg avait été acquis au cours de la vente de l’atelier de l’artiste en 1864 puis passé en mains privées jusqu’à son actuel propriétaire.
Le Musée Delacroix à Paris conserve une autre maquette de conception similaire pour l'hémicycle de la bibliothèque de Palais-Bourbon sur le sujet d'Orphée actuellement exposée au Musée du Louvre.
Grâce à l'appui de Thiers, Eugène Delacroix reçut en 1840 la commande du décor de la bibliothèque des sénateurs au Palais du Luxembourg, qu'il achèvera six ans plus tard. L'ensemble comprend un dôme, quatre pendentifs et un hémicycle placé au-dessus de la fenêtre réalisés sur des toiles marouflées. Sous la coupole, Delacroix peignit un thème inspiré du chant IV de l'Enfer de Dante, les limbes où sont réunis les héros de l'Antiquité, des écrivains pour la plupart, "qui n'ont pas reçu la grâce du baptême".
Tout autour, sur les pendentifs, Delacroix a réalisé des figures allégoriques de l'Eloquence, la Théologie, la Poésie et la Philosophie. Le sujet qui orne l'hémicycle est décrit ainsi dans le catalogue de la vente posthume de l'artiste : "Alexandre, après la bataille d'Arbelles, fait enfermer dans une cassette d'or les œuvres d'Homère". Delacroix l'a lui-même détaillé en ces termes dans une lettre à Philippe Burty : "[Alexandre] est représenté assis sur un siège élevé et près d'un vaste trophée élevé sur le champ de bataille. A ses pieds sont des captives menant les enfants, des satrapes dans la posture des suppliants. La Victoire, les ailes déployées, couronne le vainqueur. Derrière le groupe des figures qui portent le coffre, un char fracassé et le champ de bataille dans le lointain".
Cet épisode antique est rapporté par les historiens latins, Quinte-Curce dans l'Histoire d'Alexandre le Grand et Plutarque dans ses Vies des Hommes illustres. Au même moment, Delacroix menait de front la décoration de la bibliothèque des députés au Palais Bourbon, où figure un médaillon sur le même thème, mais avec une composition différente, en hauteur.

Le cul-de-four du plafond a été préparé par de nombreux dessins au musée du Louvre. La confrontation entre notre projet et la version définitive révèle quelques variantes. A la droite d'Alexandre, Delacroix a ajouté, dans la fresque, un soldat tenant une lance derrière, ainsi qu'un autre portant un casque avec un prisonnier barbu à l'extrémité droite. Les palmiers et la prisonnière, dans l'angle droit sont légèrement modifiés. Sur le côté gauche, une nouvelle figure est elle aussi introduite : un guerrier tenant plusieurs étendards dans les bras près de la pile des trophées. A l'extrême gauche, l'équipement du soldat a été posé à l'intérieur du chariot sur la version finale et la tête du cheval renversée. Ces changements dans la composition de l'œuvre ont permis de mieux adapter le sujet à la forme hémisphérique de l'abside.
Citons enfin une lettre adressée de Frédéric Villot à Alfred Sensier et publiée dans la Revue internationale de l'art et de la curiosité le 15 Juillet 1869. Il parle du travail préparatoire de l'artiste en ces termes : « Dès le lendemain de notre entrevue, il se mit à l'œuvre, c'est-à-dire à entasser croquis sur croquis, compositions sur compositions. Puis, lorsque la scène principale fut trouvée, ainsi que les épisodes, il en vint à l'esquisse peinte. .. [...] il ne parvint à trouver l'artifice à employer en pareil cas qu'après bien des tâtonnements et à l'aide d'un petit modèle de voûte en bois ou en carton. Encore, si j'ai bonne mémoire, malgré toutes ses précautions, eut il à rectifier sur place quelques mouvements qui, d'en bas, n'étaient pas complètement satisfaisants » 3 . Le musée Delacroix à Paris conserve une autre maquette de conception similaire pour l'hémicycle de la bibliothèque de Palais-Bourbon sur le sujet d'Orphée vient policer les grecs encore sauvages.